René Nkowa

Le 8 mars à la sauce camerounaise

Toutes les femmes camerounaises aiment la Journée Internationale de la Femme. Elles aiment le 08 mars. Moi, personnellement, j’abhorre cette funeste journée. Mais j’aime particulièrement la journée du 9 mars. Pourquoi ? Tout simplement parce que c’est la journée de l’année où les faits divers sont les plus croustillants. Les femmes n’ont pas leur pareil pour mettre de l’ambiance dans leurs foyers. Et même à l’extérieur desdits foyers. Là, je scrute le moindre journal télévisé, la moindre brève radio diffusée relative à la journée du 8 mars. Cette année a été un bon cru. Le 8 mars 2011 a eu son lot d’excès, d’incidents et d’accidents.


Le pagne du 8 mars

La Journée Internationale de la Femme au Cameroun, c’est d’abord un pagne. C’est même ce pagne qui lui a donné l’ampleur qu’elle a aujourd’hui. La société camerounaise des textiles (CICAM) a flairé le bon coup il y a de cela une dizaine d’années en instituant le pagne du 8 mars. Ce filon a marché du feu de Dieu. Tellement que cette entreprise a mis un réel point d’honneur à en éditer une nouvelle mouture pour chaque édition, ce en modifiant les motifs et les couleurs. Ce pagne, aujourd’hui, n’est rien de moins que celui le plus vendu au Cameroun. Aucune femme ne veut passer pour une has been. Chaque année, le nouveau pagne est de rigueur. Et dans cette situation, certains messieurs trinquent, car tant que la formalité de l’achat du pagne pour leur dulcinée n’est pas remplie, ils vivent des moments tumultueux dans leurs foyers. Ce pagne a créé la polémique il y a trois ans car l’un des motifs représentait quatre bras dont les mains tenaient les poignets. Les femmes ont accusé les concepteurs de l’œuvre de vouloir enferrer les camerounais. Certains ont même réussi à dénicher sur ce pagne des signes représentatifs de la rose croix ou même d’une petite fille qui pleurait, traduisant soit volonté de nous contrôler dans leurs cercles ésotériques soit les larmes d’un peuple qui souffre. Alors, dans un même mouvement, toutes les femmes ont quelques jours après le 8 mars détruit les vêtements confectionnés avec ces étoffes. On était donc en droit de se dire enfin débarrassés. On ne l’a pas été. Au contraire. Les designers de la CICAM évitent désormais les dessins équivoques au grand bonheur de ces dames.

 

Le défilé et les agapes

Dans chaque ville, un défilé auxquelles participent les femmes est organisé pour l’occasion. Pour la ville de Douala, spécifiquement, elle concerne principalement les femmes en entreprise, car au vu de l’ampleur qu’a finalement pris cette journée, les employeurs se sont résolus à effectuer certains aménagements pour permettre à leurs employées d’être libres. Ce sont donc ces dernières qui garnissent donc en majorité les rangs pour les défilés. Les autres femmes qui exercent dans le secteur informel donnent souvent la primeur à leur activité en matinée mais n’oublient pas de se joindre aux festivités un peu plus tard.

Après le défilé, les femmes se dirigent soit au siège de leur entreprise, soit dans un restaurant de la place préalablement réservé pour partager un repas. Et en milieu d’après-midi, les vraies hostilités commencent.

Parce qu’à ce moment-là, elles prennent d’assaut tout ce qui est bar, buvette, boîte de nuit (qui ouvre exceptionnellement tôt pour la circonstance), cabaret ; où elles engagent une épreuve de beuverie à nulle autre pareille. J’ai passé une bonne partie de la soirée du 8 mars en face d’un snack. Ces femmes m’ont estomaqué. Déjà, elles étaient à peu près deux cents dans un lieu vraiment exigu. L’alcool coulait à flots. Elles dansaient de façon très obscène. Elles ont réussi à causer un embouteillage monstre à 23 heures !

 

Des retours cahoteux

On passe la journée du 9 mars à égrener la suite des forfaits survenus la veille ou dans la nuit. Accidents souvent mortels de la route dus à des femmes sévèrement éméchées, certaines autres retrouvées à même la chaussée ou souvent dans des caniveaux dans un état de coma éthylique avancé, des bagarres avec les conjoints souvent morts d’inquiétude pendant toute la nuit et dont le courroux grimpe en flèche quand le constat de la déchéance dans laquelle se trouve la malheureuse est fait. On ne compte pas les cas d’agressions, de viols commis souvent dans les coins les plus sordides.

 

Une manifestation faussée

Je suis proprement révolté par la façon dont cette Journée Internationale de la Femme est célébrée au Cameroun. En quoi consiste-t-elle réellement cette célébration ? A mon sens, quand on parle de « Journée Internationale de quelque chose», cela signifie qu’il y a un thème, un sujet sur lequel il faut réfléchir. Une réflexion qui permettra d’en ôter les zones vérolées et d’en garder les meilleures, tout en apportant des compléments nécessaires à la viabilisation du thème. Pour moi, la Journée Internationale de la Femme est tout d’abord une occasion de réflexion sur les conditions de vie de la femme en général. Au Cameroun, particulièrement, elles sont confrontées à beaucoup de difficultés: l’analphabétisme, les violences conjugales, les inégalités, la cherté de la vie, la stigmatisation. Dans mon pays, la majorité des familles reposent uniquement sur les épaules des femmes. Le mari a perdu son emploi et peine à en retrouver un autre du fait de la crise économique qui sévit depuis près de trois décennies. Il y a les enfants qu’il faut nourrir et scolariser, les frais divers et nombreux qu’il faut assumer. Dans d’autres pays, les femmes profitent de cette journée pour organiser des manifestations qui permettront d’attirer l’attention des leurs dirigeants sur l’état de détresse dans laquelle elles se trouvent. Mes concitoyennes pouvaient saisir cette opportunité pour interpeller nos gouvernants sur les problèmes qui minent leur vie de femmes. Pourquoi le panier de la ménagère devient-il de plus en plus difficile à remplir ? Que deviendront leurs enfants ? Pourquoi leurs conjoints ne retrouvent-t-ils pas un travail ? Pourquoi ce silence complice de l’Etat face aux frustrations, aux douleurs, aux malheurs dont elles sont victimes ? Les problèmes ne manquent pas. Ce qui rend alors pathétique le combat qu’elles mènent souvent pour obtenir le fameux pagne. Après, elles s’en vont au défilé chanter les louanges d’un président qu’elles rendent (en privé) responsable de tous nos malheurs. Ensuite, elles investissent les débits de boissons, boivent en veux-tu en voilà, dansent de façon éhontée, puis retournent chez elles ivres mortes et se retrouvent tabassées et/ou répudiées par des maris exaspérés.

Cette édition de la Journée Internationale de la Femme, comme toutes les autres, avait un thème. Mais combien de femmes peuvent dire quel était ce thème ? Elles préfèrent n’en retenir que le côté festif. Quelqu’un avait dit que les africains aiment trop la fête, ils ne peuvent donc pas progresser. Les camerounais sont des fêtards patentés. Toute occasion est bonne pour faire une virée dans un bar ou en boîte de nuit. Ceci aux dépens de la résolution des difficultés auxquelles on fait face au jour le jour.

La manipulation politique ne peut cependant pas être écartée de la façon dont sont menées ces célébrations au Cameroun. Pour exemple, la Journée Internationale de l’Enseignant (le 05 octobre de chaque année) prend la même direction que celle que suit la célébration du 8 mars : la journée est chômée pour les enseignants, la CICAM (une société publique) confectionne déjà des pagnes spécialement dédiés à l’occasion, il y a un défilé suivi de l’inamovible tournée des bars. Nos gouvernants savent notre penchant pour la fête. Ils l’exploitent à fond. Le métier d’enseignant, pourtant fondamental, est l’un des plus misérables au Cameroun.

Dans son allocution relative à l’occasion, la ministre en charge de la promotion de la femme a entre autres conseillé à ses sœurs de ne pas « soulever » les vêtements pendant leurs réjouissances (évitant ainsi d’exposer au vu et au su de tous leur nudité). Si on en arrive à ce qu’un ministre de la république sorte un truc pareil dans un discours officiel, cela signifie simplement que nous sommes tombés bien bas.

 

Par René Jackson

Photo: défilé des femmes le 08 mars 2011 au Boulevard du 20 mai, à Yaoundé


La Reine Blanche

J’étais affalé dans mon canapé hier, la zappette à la main, parcourant distraitement les chaînes du bouquet satellite, quand je tombe sur  le canal télévisé le plus regardé au Cameroun, une chaine  locale. Là, je vois une femme Blanche qui parle un idiome qui ne correspond pas du tout à la couleur de sa peau. Je crois tout d’abord à un doublage. J’hausse le son et je me rends compte que le phrasé et les mouvements des lèvres sont parfaitement synchrones. Des souvenirs rejaillissent. Ben oui, cette femme Blanche qui parle ainsi la langue bangangté, avec précision et accent, est l’une des plus atypiques que j’aie connues et représente une fierté pour le camerounais que je suis! Il s’agit de la Reine Claude Njike-Bergeret, épouse du Chef traditionnel de Bangangté, le feu Pokam François Njike. Je vais partager avec toi, cher lecteur, l’histoire de celle qu’on appelle affectueusement ici la Reine Blanche.

Le groupement bamiléké est installé dans la région de l’Ouest au Cameroun, qui est situé géographiquement au sud-ouest du pays, dans ce qu’on appelle « la fesse » (la carte du Cameroun pour comprendre), est l’une de celles qui garde encore encrée dans ses mœurs une richesse culturelle criarde et qui préserve ses traditions ancestrales envers et contre tout. C’est dans ce contexte que se trouve la ville da Bangangté, qui est aussi une chefferie. La structure des chefferies bamiléké est très organisée et surtout rigoureusement hiérarchisée. A leur tête, trône un chef, entouré de multiples courtisans. Le chef est assisté d’un conseil de notables qui l’aident lors de la prise de décisions. En dessous de cette caste dirigeante, il y a les sujets de sa Majesté. Ce sont des monarchies dynastiques, le pouvoir  est transmis de père en fils, que ce soit celui de chef ou celui de notable. Le chef peut avoir un nombre illimité d’épouses. Un chef nouvellement intronisé hérite de toutes les épouses de son feu prédécesseur. Il en est de même pour les notables. Pour le touriste de passage au Cameroun, c’est un endroit dont je recommande la visite (je l’ai d’ailleurs décrit ici et ).

La petite Claude Bergeret nait à Douala, au Cameroun, en 1943. Ses parents sont des missionnaires protestants français venus porter l’évangile dans nos contrées qui autrefois furent lointaines. Son père est pasteur. Quand elle a trois ans, ses parents sont détachés à Bangangté où ils fondent une école. Elle y débute sa scolarité et y vit pendant les dix années suivantes, avant le retour de sa famille à Pons, en France. Là, elle continue ses études, se marie et met au monde deux enfants, avant de divorcer. En 1974, elle revient au Cameroun où elle a ses racines, s’installe à Bangangté et reprend le poste de direction de l’école occupé par ses parents quelques années plus tôt. Quatre ans plus tard, elle épouse le Chef Pokam Njike, alors chef des bangangté et devient ainsi l’une de ses… quarante femmes.

Pourquoi ai-je épousé le chef traditionnel de Bangangté ? Parce que je l’aimais, voilà tout. Et puis, ce genre de questions, on ne se les pose pas dans mon pays (le Cameroun, ndlr), on ne se les pose pas en Afrique. Demandez donc à un africain : Que faisait cette Blanche au sein d’une chefferie polygame ? Il répondra simplement : Dieu seul le sait. Pour lui, personne n’est maître de son destin. Nul besoin d’explication, d’analyse, Dieu seul le sait. Rechercher la sagesse est bien plus important que la quête du savoir.

Ce mariage a fait des remous au sein de la communauté européenne locale, car cela allait totalement à contre-sens avec leurs valeurs. Une chrétienne, européenne et fille de pasteur de surcroît, n’allait pas épouser un bonhomme ayant déjà des dizaines de femmes et pratiquant des coutumes aussi sombres et païennes que mystiques ! Par contre, chez les autochtones, ce ne fut pas un évènement si différent des autres. Elle fut acceptée dans la famille royale, vécut parmi ses coépouses et eut deux autres enfants de cette union.

Malheureusement, elle perd son mari et quitte la chefferie pour aller  s’installer près du fleuve Noun, en pleine savane, où elle développe une exploitation agricole. Elle y vit depuis près de 27 ans et travaille en compagnie de ses fils.

Personnalité très connue, elle et ses enfants sont complètement intégrés dans la société locale, où ils exécutent les mêmes travaux que les autochtones. Quand on lui demande si la vie n’est pas très ardue dans ce coin reculé du pays bamiléké, elle répond par une simplement :

Au Cameroun, on peut être encore soi-même, on peut avoir une liberté individuelle, on peut vivre en dehors des clichés et c’est ça qui me permet de vivre au-delà de ce que j’ai pu imaginer. Au Cameroun, je peux vivre dans la nature, à son contact, avec ses dangers, avec cet infini (…) Depuis 45 ans que je vis dans la brousse africaine, je la découvre chaque jour tout en restant au même endroit. Quelqu’un qui survole un paysage ne peut pas imaginer ce qu’on peut découvrir au contact de ce qui est notre seul milieu naturel. Partout ailleurs, nous sommes sous perfusion, nous ne sommes pas dans notre élément naturel. Là où vivent les citadins, je crois que personne ne peut comprendre ce que je ressens (…)

Et qui est déjà allé dans les grassfields peut la comprendre.

Parlant de sa vie en tant qu’épouse d’un chef traditionnel, elle avoue que cela n’a pas à certains moments été facile pour elle. Elle a en effet souvent été battue par son époux, ce en présence de tout le monde. Mais de façon globale, elle trouve que la vie dans la chefferie était agréable et que c’était facile d’endurer cela car elle aimait son mari. Sa famille quant à elle a refusé de la comprendre et de donner son assentiment à ce mariage. Elle profite de sa vie calme en pleine brousse pour s’adonner à l’écriture. La Reine a déjà publié trois livres : Ma passion africaine en 1997, La Sagesse de mon village en 2000 et Agis d’un seul cœur en 2009.

L’histoire de Claude Njike-Bergeret est édifiante car aujourd’hui, surtout pour nous les jeunes africains en général et camerounais en particulier, on évolue dans une logique de rejet. Rejet de toutes les traditions, des us et des coutumes de nos ancêtres qui ne représentent rien de plus que des carcans dont il faut se débarrasser. A l’époque de la recherche de la facilité, des regards tournés vers un occident qui commence à détourner les siens de nous, trouver dans les tréfonds de la savane africaine un spécimen pareil doit inéluctablement nous pousser à reconsidérer la valeur réelle, intrinsèque de notre terre, de nos coutumes, de nos traditions. Elle voue sa vie au Cameroun, au développement de sa localité et n’a pas peur de s’échiner pour avoir sa pitance. Elle effectue avec ses fils des travaux que même nous, africains, regardons souvent avec une moue dédaigneuse.

Tout ceci par amour. Ne dit-on pas qu’il peut déplacer les montagnes ? Briser les frontières ? En voici une preuve authentique ! Claude Njike-Bergeret est une reine. Reine d’un pays bamiléké. Reine d’un peuple. Amoureuse d’une terre, d’un pays, d’un homme… Elle est un exemple d’abnégation pour chacun d’entre nous. Une illustration supplémentaire en est faite dans cette surprenante et profonde interview qu’elle a donnée il y a quelques années déjà…

Je dédicace ce texte à Ziad Maalouf, journaliste à RFI. J’espère qu’il comprendra pourquoi.

Par René Jackson


Le chant du cygne et le triangle de la mort.

Chers lecteurs, dans ce billet, je traite de deux sujets différents (c’est bien la première fois que ça arrive sur ce blog) tout simplement parce qu’ils sont d’une actualité brûlante et me tiennent particulièrement à cœur. Je souhaite ardemment en parler.

Le chant du cygne

Les évènements actuels en Libye sont en train de virer au drame. Il est question de plusieurs centaines et même de milliers de morts déjà. Avant-hier, le monde est resté pantois devant les propos assez surréalistes tenus par un dictateur qui, s’il ne le sait pas, est déjà en sursis, après 42 années bien sonnées d’un pouvoir absolu.

Quand on observe la série de renversements de dictatures qui a cours actuellement dans le monde arabe, les scénarios sont d’une similarité bluffante! Le discours du Guide de la révolution libyenne, qui a duré plus d’une heure d’horloge, était une affligeante séance d’auto-congratulation et de mythification de celui qui parlait de lui-même à la troisième personne du singulier. Quand il dit qu’il ne quittera pas le pouvoir et se battra jusqu’à la dernière goutte de son sang, on a une impression de déjà entendu. Ce sont les mêmes paroles qu’ont prononcé tour à tour Ben Ali et Moubarak ces dernières semaines. Et ils ont fini par quitter le pouvoir. Voilà déjà un élément qui annonce la chute de l’actuel leader libyen.

Il appelle la population et les forces vives du pays à « descendre dans les rues et chasser les drogués et les agents d’Al Qaida » qui se font passer pour des manifestants.  Il s’est répandu dans un long délire mégalomaniaque en disant que Kadhafi « n’est pas un être humain comme les autres qui se font renverser par des manifestants » en menaçant même son peuple de « les écraser comme à Tienanmen (Chine) ou à Fallouja (Irak) ». Des gens meurent. Tous les jours. Et chaque victime qui tombe, chaque goutte de sang qui s’écoule scelle de façon irrémédiable son sort. Je vais peut-être me lancer dans des conjectures en m’avançant ainsi, mais ce bonhomme et son régime seront tombés d’ici le mois de mars!

Je n’ai jamais compris les raisons pour lesquelles des gens sont prêts à faire passer leurs congénaires pour de la chair à canon. En plus pour des motivations aussi égoïstes et viles que celles de conserver un pouvoir qui n’est manifestement plus.

D’après la légende, un cygne muet, sentant venir sa mort, chanta pour la première fois une mélodie de la manière la plus merveilleuse qu’il soit.  J’ai parlé de chant de cygne plus haut? Ben, c’était une erreur. Cela s’apparentait plutôt aux éructations échevelées d’un vieillard accro à sa petite personne et  au pouvoir, s’estimant être plus intelligent que quiconque d’autre dans son pays. Au point d’écrire de sa seule inspiration le fameux Livre Vert, qui sert de constitution à la Libye depuis plus de quatre décennies!

Kadhafi, cesse de verser du sang. Démonte ta tente et va la planter ailleurs qu’en Libye, là où d’ailleurs on pourra t’accepter. Tu as déjà assez fait rigoler la palnète comme cela!

Le triangle de la mort

Le triangle de la mort (ou le triangle des Bermudes, c’est comme vous voulez) a encore frappé avant-hier. J’étais déjà sonné par les sottises et la cruauté qui filtraient du discours d’un vieux dictateur. Le triangle de la mort m’a achevé!

Le triangle de la mort? Le triangle des Bermudes? Toutes deux sont les variantes d’un même sujet: ce sont en effet les axes routiers qui relient les trois villes les plus grandes du Cameroun, à savoir par ordre d’importance Douala, Yaoundé et Bafoussam.

Mardi, un accident de la route a eu lieu à Boumnyebel, une localité située à une heure de route de Yaoundé. Un minibus, provenant de Douala, a tenté un dépassement dangereux et s’est retrouvé nez à nez avec un grumier. Bilan: 27 morts sur place. Il y a deux mois un carambolage a fait plus de vingt morts sur ce même axe. En 2003, deux autobus sont entrés en collision frontale. 33 personnes en ont perdu la vie. En novembre dernier sur l’axe Yaoundé-Bafoussam,  un conducteur d’autobus ignore un virage et fonce dans la broussaille: 32 morts. Si vous parcourez l’axe Douala-Bafoussam, vous rencontrerez des panneaux indiquant « Ici, 16 morts », « Ici, 30 morts », « Ici, 25 morts »… Je peux citer des exemples pareils à l’envi.

Aucun camerounais ne peut assurer qu’il emprunte ces axes dans une tranquillité absolue. Il suffit de se remémorer des hécatombes qui ont lieu sur ces routes pour avoir les tripes nouées pendant toute la durée du voyage.

Les causes sont nombreuses: erreurs humaines, alcoolisme, vétusté des véhicules, tout y passe. L’état des voies est acceptable, tous les nids de poules ont été bouchés. Mais il est évident que ces chemins ne conviennent plus au trafic qu’ils supportent. Tenez par exemple: l’axe-lourd Douala-Yaoundé n’est en fait un axe-lourd que de nom. Certains ici l’appellent ironiquement le sentier. Au moment de sa construction, c’était sensé être une autoroute. Cela fait vingt-cinq ans aujourd’hui qu’il est là et les portions dont la largeur de la chaussée dépasse huit mètres, mises bout à bout, ne font même pas 30 des 240 kilomètres de la longueur totale.

Les chiffres sont ahurissants. Sur le seul axe Douala-Yaoundé entre 2004 et 2006,  on a compté 841 accidents qui ont fait 1621 victimes. C’est-à-dire un peu moins de 3 morts au kilomètre par an! Les mêmes enquêtes désignent le triangle des bermudes comme étant le plus accidentogène du pays. A un tel point que depuis quelques années, l’ambassade de France déconseille aux citoyens français résidant ou de passage au Cameroun d’éviter de s’y hasarder et de lui préférer l’avion.

 

Par René Jackson


Bienvenue à Douala!

Toi, le touriste qui arrive dans notre grande et belle cité équatoriale située en plein cœur du Golfe de Guinée, dans l’estuaire du Wouri, nous te souhaitons la bienvenue! Si tu arrives en avion, tu survoleras la ville et ses quartiers, tu verras les rues s’entrecroiser avec un charme assez désordonné. Si tu y pénètres par la route, tu remarqueras que bien de voies sont asphaltées. Et beaucoup d’autres pas. Si tu nous viens par la mer, sache que tu es  sur le fleuve qui a donné le nom  que mon pays porte. Tu remarqueras que la ville de Douala est nichée dans une plaine et que les collines les plus proches sont éloignées de plusieurs dizaines de kilomètres. Mais tu verras le Mont Cameroun, le sommet le plus élevé du pays, bien qu’éloigné de cent kilomètres,  étale toute sa majesté à tes yeux. Dans cette atmosphère bigarrée, caniculaire, mouvementée, je te promets que l’ambiance ne manquera pas. Mais de grâce, évite de te mettre dans encore plus de tracas en te munissant d’un plan de la ville. Ce plan te sera au mieux inutile.

« Hép! Taxi! Déposez-moi au 22 rue des Lilas acidulés, je vous prie! ». Rassure-toi, ce n’est pas ainsi que tu indiqueras ta destination à un chauffeur de taxi à Douala. D’ailleurs, on voit dans les films que là-bas à Évry, Paris ou Berlin, vous empruntez un taxi pour vous tout seul durant toute la course. Egoïstes que vous soyez! Ici, les taxis on se donne la peine de les partager avec d’autres. On y va même très souvent en surcharge d’une ou deux personnes. L’ingénieur de Toyota a fait de très mauvais calculs. On lui prouve que les voitures qu’il a conçues pour transporter un maximum de cinq personnes peuvent en fait prendre aisément sept. Et en heure de pointe, il y a des places supplémentaires pour un ou deux téméraires dans la malle arrière.

Le plan de la ville que tu consultes anxieusement et sans parvenir à te retrouver a été élaboré par les bons soins de la municipalité. Tu t’y perds. Mais ne t’avise surtout pas de demander à un passant quel chemin emprunter pour arriver à la Place de la Jeunesse que tu vois mentionnée en noir sur ton parchemin. Il te répondra qu’il ne savait pas qu’une telle place existait dans la ville. Pourtant, comme presque tout le monde à Douala, il la connaît. Car cette place est le siège du monument le plus réputé de la cité. On l’appelle communément ici le Rond point Deido. Cette place, qui est située au quartier Deido, comporte un rond-point. D’où la dénomination.

De cette façon, tu parcourras toute la ville et tu constateras que les habitants donneront aux lieux des noms carrément différents de ceux connus au cadastre. Ce qui fait qu’on a des endroits au noms aussi charmants que : le Carrefour Trois-Morts, Rond Point J’ai-Raté-Ma-Vie, La Rue de la Joie, Carrefour Tendon, Bépanda Double-balles, Quartier Non Glacé… Ne crois pas que tout ça est le fruit du hasard, non! Toutes ces dénominations ont une histoire. Le Rond Point J’ai-Raté-Ma-Vie par exemple est un lieu de la ville où pullulent les prostituées  qui pratiquent des tarifs si modiques qu’elles ne peuvent qu’avoir totalement raté leur vie. La Rue de la Joie est jonchée sur toute sa longueur de bars, buvettes, cabarets et de chambres de passe où il fait bon vivre pendant toute la durée de la nuit. Il vécut au Carrefour Tendon un noble boucher, virtuose du découpage des ligaments d’animaux. A Bépanda Double-balles, un homme y fut un jour assassiné de deux coups de chevrotine dans l’abdomen. Un bar dans lequel on ne servait que de la bière non glacée donna son nom à un autre quartier. J’ai appris il y a quelques années qu’il y a un lieu appelé Carrefour Sorcier à Yaoundé. Pourquoi ce nom? Tout simplement, paraît-il, qu’un jour d’orage, une tôle se détacha d’un toit, parcourut un hectomètre de distance pour aller décapiter un homme qui cheminait tranquillement dans ce carrefour. Cet évènement était sans doute aucun l’œuvre d’un sorcier très malveillant.

Pendant ton séjour ici, tu auras tout le temps droit à ce genre de délicatesses. Tu dois aller rendre visite à un ami? Renseigne-toi bien sur un lieu, un bâtiment ou une curiosité qui constituera le point de repère. Ce pourrait être une rivière, un ravin, un arbre ou même une boutique… Ainsi, le « hép! Taxi! Déposez-moi au 22 rue des Lilas acidulés, je vous prie! » deviendra « pouvez-vous me laisser au Petit Baobab à Bonabéri? ». Le taximan te déposera effectivement au pied d’un baobab qui a été planté au beau milieu de la chaussée. Ce qu’il faut savoir c’est que dans le coin, il y a deux baobabs. Ce qui fait la différence, c’est la taille. Ne te trompe surtout pas d’épithète. Arrivé là, tu feras alors signe de ton téléphone à ton hôte (habitant quelquefois à une bonne dizaine de minutes de marche de là) qui viendra te chercher.

Tu te demandes maintenant à quoi peut bien servir ton plan? Il peut t’être utile. Quelques noms d’endroits qu’il indique sont bel et bien connus des citadins. Tu peux le garder comme souvenir de tes vacances chez nous. Ou tu peux encore, lors de tes déambulations dans nos rues, essayer de jouer au jeu du savoir-déceler-sur-mon-plan-l’endroit-où-je-me-trouve.

Bienvenue à Douala! Je te souhaite d’y passer un excellent séjour! Et surtout, ne te perds pas!

Par René Jackson


Un CHAN providentiel

La deuxième édition du CHAN (Championnat d’Afrique des Nations) se déroule au Soudan depuis le 07 février dernier et la finale se jouera le 25 prochain. Cette compétition est une véritable aubaine et une initiative extrêmement salutaire car elle est une sorte de CAN (Coupe d’Afrique des Nations) mais à laquelle participent uniquement les joueurs de football évoluant sur le continent. Ce qui peut représenter d’une part un bon tremplin pour ces joueurs, le plus souvent amateurs; et d’autre part un meilleur moyen de visiblité pour les championnats nationaux africains.

Une compétition bénéfique pour les joueurs

Ces dernières années, un débat est soulevé en Afrique de façon presque systématique à chaque grande compétition africaine ou internationale de football (CAN, Coupe du Monde ou Jeux Olympiques). Ce débat, au Cameroun précisément, tourne très souvent au pugilat verbal entre les tenants de l’un ou de l’autre camp. La question qui se pose est la suivante: est ce que les joueurs évoluant dans les championnats nationaux méritent leur place dans l’équipe fanion qui ira représenter le pays dans ces compétitions? Pour certains, la réponse est: non. Tout simplement, parce que le niveau des joueurs locaux est vraiment bas. Ils ne méritent tout simplement pas de figurer dans l’équipe A. Pour d’autres, il faut les inclure dans l’équipe. Leur présence en son sein fera quelque part la promotion du championnat local et de plus, « n’ont-ils pas deux jambes et un cerveau comme les autres qui jouent ailleurs dans le monde? » La mise sur pied d’une compétition comme le CHAN est une opportunité pour les pays comme le Nigéria, le Ghana, la Côte d’Ivoire ou le Cameroun qui possèdent les plus gros contigents de joueurs expatriés dans les plus grands championnats du monde. Dans ces contrées, les joueurs qui n’ont eu d’autre opportunité que celle de se débrouiller au pays sont très souvent frustrés car ils ne sont presque jamais sélectionnés en équipe nationale A. Ou lorsqu’ils le sont, ils cirent les bancs de touche pendant toute la compétition.

Ce CHAN est donc une occasion pour eux de porter les couleurs de leur pays et de se montrer. En effet, les chances se démultiplient pour eux, car pour être sélectionnés, il ne subiront pas la concurrence presque déloyale que ne se donnent souvent même pas la peine de faire les professionnels venus d’Europe. Et puis, cette compétition aidera peut-être à réparer une certaine injustice. La CAF avait soulevé un scandale quand elle a attribué le Ballon d’Or Africain 2008 à Emmanuel Adebayor, qui avait eu une année bien moins aboutie que celle de Mohamed Abou Terika, qui était double champion d’Afrique en titre et le meilleur joueur des championnats inter clubs africains. Beaucoup avaient taxé l’instance faîtière du foot africain d’être victime d’un complexe d’infériorité face à ce qui pouvait provenir d’Europe.

Mais on peut redouter un certain effet pervers que pourrait traîner derrière elle cette compétition: les joueurs locaux seront mis plus en avant de la scène, ce qui n’aura d’autre effet que de les exposer à la rapacité des recruteurs étrangers qui ne s’empêcheront pas d’emporter les meilleurs.

Une aubaine pour les championnats de clubs locaux

Les championnats nationaux africains disposent dorénavant d’un véritable outil d’étalonnage pour vraiment se jauger. Il est vrai que la League des Champions Africaine et la Coupe de la Confédération permettaient de mettre en concurrence les championnats africains, mais cela était dilué par le fait que des joueurs de niveaux différents pouvaient faire partie du même club et disputer ces rencontres. Avec le CHAN, il s’agit de la crème de la crème. Dans chaque équipe, les 23 meilleurs joueurs de chaque championnat sont regroupés en une seule et même formation.

D’autre part, le CHAN pourrait faire que nos championnats croissent en qualité. En effet, constituant une motivation supplémentaire pour les joueurs, ceux-ci seraient poussés à faire évoluer leur jeu. Ce qui rendrait les matchs de championnat plus attractifs et les tribunes de nos stades très souvent dégarnis pourraient à nouveau être remplis par les spectateurs.

De toutes les façons, la CAF semble avoir très bien compris les enjeux, car de 8 équipes participantes à la première édition en 2009 en Côte d’Ivoire, on est passé à 16 dès la deuxième édition.

 

Par René Jackson

Source image: rfi.fr


Une jeune pousse très prometteuse.

Il n’y a pas à dire: le cinéma au Cameroun et le cinéma camerounais sont, l’un comme l’autre, au creux de la vague. La situation peut être sans exagération aucune qualifiée de déroute totale. Le constat est simple. Il n’existe plus une seule salle de cinéma dans notre pays. La dernière  encore en exploitation, le Cinéma le Wouri, situé à Douala, a mis la clé sous le paillasson voilà déjà trois ou quatre années. Les bâtiments qui faisaient office de temples du Septième Art se sont presque tous mués en temples de louanges et de glorification au Saint nom de Jésus-Christ, occupés qu’ils sont par les églises réveillées qui naissent aussi régulièrement que les semaines ici.

Il n’existe plus aucune salle de cinéma au Cameroun.  C’est amer et affligeant! Alors que pendant les belles années du cinéma, on en dénombrait pas moins d’une vingtaine dans le pays. Les raisons de cette hécatombe ne sont pas clairement identifiées, mais le glas a été sonné par les CD et DVD piratés qui ont inondé le marché à l’orée des années 2000. Il ne valait plus la peine d’aller dépenser 2 500 F CFA (sans compter les frais de transport) pour regarder un film en salle alors que les mêmes films étaient vendus en packs de 5 ou 10 par DVD dans la rue pour souvent moins de 1 000 F CFA.

Les productions cinématographiques camerounaises dans le même temps ont suivi une courbe descendante en quantité, mais surtout en qualité. La dernière superproduction (si on peut l’appeler ainsi) tournée au Cameroun l’a été en 2005. Le film était produit par le brasseur Guinness. Sur les quelque 90 minutes que durait le film, 45 malheureuses secondes étaient tournées au Cameroun. Bien loin est désormais le temps de Sango Malo du cinéaste émérite Bassek Ba Kobiyo. Certains essaient de reprendre le flambeau, mais la qualité des œuvres laisse grandement à désirer. Elles relèvent plus  du bâclage méthodique et de l’improvisation que de l’art. Maintes fois, j’ai oscillé entre le sourire désabusé et le rictus agacé en regardant des films made in CMR. La dernière de ces insultes cinématographiques, intitulée à point nommé La Déchirure avait fait l’objet d’une promotion tous azimuts. Ca a attisé ma curiosité et celle de bien de gens. Bien malheureusement, je n’ai pas pu en regarder 10 minutes, tellement c’était mauvais. Il y a eu cette fois-là une réelle déchirure entre le cinéma camerounais et moi.

Mais j’ai changé d’avis. Ceci grâce à un jeune cinéaste de 26 ans extrêmement talentueux que je n’ai pas eu trop de mal à dénicher, je l’avoue, puisqu’étant l’un de mes bons amis que je me suis faits à la fac. Il n’a pas eu à trop bavasser pour me convaincre, car j’ai eu tout le loisir de constater le don véritable qu’il possède en tant qu’artiste: il est un excellent informaticien graphiste et un danseur hors pair. Il a ajouté une autre flèche à son carquois: le cinéma. Et j’avoue que même là, il m’a bluffé. Son premier film, Génération Consciente,  est un quasi coup de maître. Pas encore distribué, j’ai eu la primeur d’en avoir quelques extraits et très franchement, son job se démarque nettement de ce qui nous est très souvent servi.  Je l’ai rencontré cet après-midi et il m’a accordé la petite interview qui suit:

Bonjour Rolland. Peux-tu te décrire en tant qu’artiste ?

Je suis ALBANI Rolland. Je me fais connaître comme scénariste et réalisateur, mais je suis aussi monteur et cadreur. Je suis titulaire d’un DEC (Diplôme d’Etudes Collégiales) en Webmestre et Production Multimédia. Je suis un nouveau venu dans le 7ème art.

Avec Génération Consciente, tu en es à combien de films déjà?

Comme film pro si on peut le dire, c’est mon 1er film personnel. J’ai travaillé sur plusieurs productions à Equinoxe Télévision  (chaîne de TV camerounaise basée à Douala, ndlr) lors de mon stage là-bas et aussi quelques productions lors de ma formation à ISTDI. Génération Consciente est vraiment ma 1ère présentation au grand public.

Comment t’es-tu venue l’idée de faire ce film ?

J’ai eu l’idée de ce film lorsque les moyens ont manqué pour le tournage d’une série télé que j’ai mis sur pied avec les jeunes élèves de l’association Groupe Soleil au sein de laquelle j’évolue. Il fallait trouver un sujet qui pouvait accrocher les partenaires et impliquer aussi les jeunes. C’est là qu’est venue l’idée du scénario de Génération Consciente. Un film sur un sujet d’actualité, qui touche les jeunes, joué par les jeunes, et  qui s’adresse à tout le monde.

Quelles sont les différentes tâches que tu as effectuées sur le film ?

Comme chef de projet, scénariste et réalisateur, j’étais présent à toutes les étapes : de la recherche des financements au montage, en passant par les castings, les entraînements, les repérages, bref j’étais sur tous les plans.

As-tu rencontré des difficultés ? Si oui, lesquelles ?

La plus grosse difficulté à notre niveau a été la gestion des acteurs. Des élèves qui ne se connaissent pas pour la plupart et qui doivent faire des choses ensemble et devant des caméras. En plus, étant tous des mineurs, il fallait avoir l’autorisation des parents. C’était très difficile à gérer. Ajoutez-y tous les problèmes que nous avons rencontrés lors du tournage. Les camerounais ne savent pas encore comment se comporter dans un plateau de tournage.

Comment juges-tu l’état actuel du cinéma camerounais ?

Le cinéma camerounais veut renaître de ses cendres, mais malheureusement, ce sont les amateurs et beaucoup de charlatans qui sont les pionniers de cette renaissance et là le résultat est encore pire. Parce qu’ils passent le temps à bafouer les normes et les règles de l’art. Résultat: pour le public le meilleur acteur du Cameroun c’est EZA BOTO (un bien piètre acteur jouant le rôle de sorcier malfaisant dans une sitcom camerounaise,  ndlr)!!!!

Les problèmes que tu rencontres dans ton métier peuvent-t-ils être généralisés à tous les autres jeunes cinéastes camerounais ?

Très peu de jeunes ont la patience dont il faut s’armer pour se lancer dans le cinéma. Certains se battent comme des fous pour à la fin vendre le film à 1000frs à la sauvette. Là c’est tuer soi-même son travail. Parce qu’on veut le gain facile. Alors que nous essuyons tous les mêmes problèmes lors des tournages.

En ce qui concerne la promotion ou la diffusion où en êtes-vous ?

Le film fait l’objet actuellement d’une négociation au niveau du Ministère de la Santé Publique. Tant que les choses ne se sont pas précisées là-bas, aucune image ne peut être diffusée.

Comment le public accueille-t-il le film ?

Officieusement, il ya une bande d’annonce sur le Net, des extraits qui ont déjà été diffusés et tout le monde  a la même réaction : « on veut voir tout le film ! Dis donc Albani ! Comment vous avez fait ça ? »

Tu as d’autres projets en tête ? Si oui lesquels ?

Il y a la 2ème et la 3ème partie du film que je suis entrain d’écrire. Sinon mon prochain film sera un film de danse. J’y travaille avec une société de boisson énergisante de la place. Ce sera mon 1er film 100% pro ! Pour les détails, on verra plus tard. En attendant, je m’occupe de mon fils qui est né le jour où le film est sorti des studios de post production. J’invite aussi tous les jeunes qui veulent bosser avec moi. Ils seront les bienvenus. J’aime partager et échanger ! C’est comme ça qu’on devient meilleur.

Dans notre entretien préliminaire, il m’a expliqué que le projet avait été présenté au Ministère de la Santé Publique, mais que le producteur et la Tutelle tardaient à parvenir à un accord. Il existe donc de fortes chances pour que le projet soit proposé à une ONG ou même à l’OMS qui serait très intéressée. Dans tous les cas, la distribution du film n’empruntera pas les mêmes canaux que tous les autres qui sont produits au Cameroun.

Par René Jackson

La Bande Annonce officielle du film:

[youtube ezVFcmpW0UY]

Quelques images du film et du tournage:

Plus d’images et d’infos sur le  profil Facebook de Albani Rolland.


Les assassins en blouse blanche

Ce matin, mon quartier s’est réveillé dans un branle-bas général. Entendre des cris et des hurlements à cinq heures trente du matin n’est pas une chose commune dans la petite communauté que constitue le pâté de maisons dans lequel je vis.  Que s’est-il passé?

Une jeune femme habitant le quartier, enceinte et presque à terme, s’est rendue hier soir dans une clinique obstétrique dans le quartier voisin. Elle a été prise de violentes douleurs (probablement dues à sa grossesse) en pleine nuit et s’est dirigée vers cet office de santé. Mal lui en a pris. Elle y est arrivée, a essayé d’expliquer son problème. Aucune ouïe ne lui a prêté quelque attention que ce soit. Les infirmières de garde étaient là, commérant dans un bureau attenant à la salle d’attente dans laquelle se trouvait la jeune femme en détresse. Elle hurlait. La douleur devait être intense. Elle implorait que quelqu’un vienne s’occuper d’elle. Personne ne sourcillait. Une malade hospitalisée là , n’en pouvant plus, est sortie de son lit et s’est dirigée vers les infirmières pour leur demander si elles n’entendaient pas les supplications de la femme. Leur réaction a été d’une rare violence: « Toi, on ne t’a rien demandé! Rentre dans ta chambre sinon tu termineras la nuit hors de cet hôpital. Celle-là, elle est obligée de crier? Qu’elle continue! On ne sait même pas qui l’a envoyée ici! »

Quelques minutes après, les cris ont cessé. Tout est redevenu calme. On n’entendait plus que les chuchotements de ces infirmières qui elles aussi quelques temps après ont remarqué que le vacarme avait cessé. A ce moment, et seulement à ce moment là, elles ont cherché à s’enquérir de ce qui avait amené la perturbatrice jusqu’à elles. En entrant dans la salle d’attente, elles ont trouvé la jeune femme inanimée à même le sol, flottant dans une mare de sang. Le médecin chef, sorti de son lit et arrivé en catastrophe, ne put que constater les décès de la jeune femme et de son bébé. La nouvelle a fait le tour du quartier comme une trainée de poudre. Les cris entendus au petit matin étaient ceux des habitants du coin et des voisins de l’infortunée qui s’apprêtaient à aller en découdre avec ces infirmières. La police, alertée, a vite fait de garder ces dernières en lieu sûr.

Cette histoire, bien réelle, n’est malheureusement pas un cas isolé. Les centres hospitaliers sont devenus pour de nombreux camerounais le chemin qui mène directement à la morgue. Ce qui fait dire à certains qu’il faut se tenir le plus loin possible des hôpitaux au Cameroun pour espérer faire de vieux os. Ceux qui fréquentent le hôpitaux se retrouvent très souvent confrontés au mépris que leur affiche très souvent le personnel hospitalier. Un personnel, qui à maintes égards, ne mérite plus porter ce qualificatif d’« hospitalier ».

Le système de santé au Cameroun est calamiteux. Arrivez dans un hôpital avec une urgence, il y a toute une batterie de paperasse qu’il faudra remplir et surtout, il faudra prouver que les soins à prodiguer pourront être supportés. Et la preuve doit être fournie séance tenante, généralement sous forme de caution, en espèces sonnantes et trébuchantes. Tant que l’entente n’est pas faite, le malade peut mourir sur vos bras, les médecins ne broncheront pas. L’hôpital n’est tout simplement pas accessible aux personnes les plus démunies de la société, qui, en désespoir de cause, sont obligées de se rabattre sur les charlatans et leurs médicaments frelatés qui sont vendus un peu partout dans les rues ou chez les marabouts qui ne sont le plus souvent que des escrocs.

Si, par miracle, un centre de soins accepte de prendre en charge le patient sans accord financier préalable, l’hôpital se réserve le droit de retenir le malade jusqu’à ce que les frais soient payés, même longtemps après sa guérison.

Le comportement de nos médecins en général est aberrant. Le cas de ceux exerçant dans le public est catastrophique. Un jour, une pathologie m’a forcé à me rendre à l’Hôpital Laquintinie de Douala, qui est le plus important  établissement de santé de la ville (et aussi celui qui a la plus mauvaise réputation). J’arrive au service de chirurgie à huit heures du matin. Le personnel est déjà là, fourmillant. Une véritable surprise, vu que ces gens généralement n’arrivent qu’à dix ou onze heures du matin à leur boulot. Mais très vite, dans les conversations, je comprends cette soudaine empathie: le Ministre de la Santé de l’époque effectuait une visite le  jour même dans l’hôpital. Il arrive dans le service où je me trouvais vers dix heures (en passant, c’était un moment exceptionnel pour moi. Je n’avais jamais vu un ministre de mes propres yeux. On les prenait toujours pour des personnes très lointaines, qu’on ne voyait qu’à la télé. Et là, il se trouvait à moins de dix mètres de moi). Il salue les médecins et infirmières présents, discute quelques minutes avec eux, puis quitte la salle pour se rendre dans un autre service. Dès qu’il a eu le dos tourné, les médecins sont rentrés dans leurs bureaux, ont enlevé leur blouse, ont enfourché leurs mallettes et sont partis. A onze heures, il n’y avait plus âme soignante qui vive sur les lieux. Les malades, hagards, ne sachant plus qui ils attendaient là, étaient obligés de s’en aller.

Dans les cliniques privées, la situation n’est guère meilleure. Parfois, vous vous retrouvez sous la responsabilité de quelqu’un qui ne sait superbement rien de la pratique de la médecine et qui est censé vous sauver la vie. Et conséquemment, on se retrouve avec des drames comme ceux de ce matin.  La police a su anticiper sur la foule. Ca ne se passe pas souvent comme cela  et le personnel « soignant » paie quelques fois cash ses turpitudes. Il y a quelques années, un gendarme a abattu de son arme à feu une sage-femme à l’Hôpital Central de Yaoundé, parce que cette dernière avait refusé de s’occuper de son épouse qui avait par la suite perdu l’enfant qu’elle portait en son sein. Ce fait divers en son temps avait défréyé la chronique. Il s’en est suivi une promesse de mesures, qui ne sont malheureusement toujours pas arrivées.

Parfois, on se demande si ces gens se souviennent qu’ils ont fait le serment d’Hippocrate. D’ailleurs, faudrait-t-il qu’ils l’aient déjà fait, ce serment…

Par René Jackson


Il n’y aura pas d’effet domino

Je me suis fait tailler en petites pièces sur ce blog après un récent article que j’y ai publié dans lequel je soulignais que les africains n’avaient pas à se chercher des boucs émissaires qui seraient responsables de la misère dans laquelle se trouvait le Continent. J’y soutenais la thèse selon laquelle nous, africains, étions pleinement à l’origine de nos malheurs et qu’une impérieuse prise de conscience individuelle et collective s’imposait. Les réactions ont été passionnées, certains de mes lecteurs me traitant même d’enfant de la France. Soit. Les évènements n’ont pas tardé à me donner raison. Le peuple tunisien a pris ses responsabilités. Les gens ont envahi la rue et l’un des régimes dictatoriaux les plus encadrés est tombé. Depuis quelques jours, l’Egypte a pris le relais et on est très probablement en train de vivre les dernières heures du Rais Hosni Moubarak à la tête de ce pays.

Ca chauffe en Afrique du nord, et on craint que cette fureur populaire ne se propage dans les autres dictatures arabes du Maghreb et du Moyen-Orient. Les observateurs évoquent aussi un effet domino qui pourrait atteindre les pays plus au sud du continent. Je m’inscris vigoureusement en faux à cette dernière hypothèse. Les crises tunisienne et égyptienne ne rencontreront pas d’écho en Afrique noire, ceci pour de nombreuses raisons.

Tout d’abord pour des raisons culturelles. Une grande portion de l’Afrique subsaharienne (plus précisément l’Afrique centrale et une partie de l’Afrique australe) est peuplée par le groupement ethnique Bantou. Et chez les Bantous, la situation de chef est sacrée. On n’y touche pas. Le chef est respecté et surtout craint par tous ses sujets, en apparence du moins. C’est pour cela qu’on remarque que dans ces régions là, le pouvoir ne connait pas d’opposition et est généralement plébiscité lors des consultations électorales.

La structure politique et l’organisation de nos sociétés ne permettent pas des contestations de grande ampleur comme celles dont on est témoin actuellement en Afrique du nord. Nos dirigeants sont très ingénieux. Ils ont organisé leur règne de telle façon qu’il y aura toujours une partie de la population qui s’opposera à une tentative de renversement d’un pouvoir en place. Les cartes sont savamment distribuées, la considération ethnique étant en première ligne. Au Cameroun par exemple, l’Opération Epervier (mise en place pour permettre l’assainissement des mœurs publiques) actuellement en cours a permis de mettre aux arrêts des dizaines d’anciens hauts-commis de l’Etat. Le constat a été fait que plus de 80% des personnes impliquées dans ces massifs détournements de deniers publics étaient originaires de la région natale du Chef de l’Etat et celles environnantes. Ce qui a poussé il y a deux ans à peu près un collectif de personnes originaires de ces régions à adresser un mémorandum au président de la république pour attirer son attention sur le fait que cette Opération Epervier était en train d’ôter à leurs régions toutes leurs élites. Ce collectif s’étonnait aussi du fait que ce ne soient que les enfants de ces régions là qui étaient visés par les arrestations. La réponse est très simple : ce ne sont que les enfants de ces régions-là justement qui occupent la quasi-totalité des postes stratégiques du pays. Ainsi s’il y a une tentative de renversement du pouvoir actuel au Cameroun, il se trouve qu’il y a au moins trois régions (sur les dix que comptent le pays) qui s’y opposeront fermement. On ne tirera pas tous dans le même sens.

Ensuite, les africains n’ont pas l’esprit révolutionnaire. Une révolution comporte une grande part d’organisation. Les preuves montrent à l’envi que nous ne sommes pas organisés. Et la peur du pouvoir dont il est question plus haut fait le reste. Il y a deux ans, une bonne partie de l’Afrique de l’ouest et centrale s’est soulevée dans ce qu’on a appelé les « émeutes de la faim ». Les causes de ces soulèvements étaient en tous points similaires à celles qui ont conduit à l’agitation actuelle en Afrique du nord. L’issue de ces manifestations de 2008 pouvaient être les mêmes que celle de la Tunisie. Il n’en a rien été. En février 2008, au Cameroun, on en était à notre quatrième jour de manifestations qui avaient déjà embrasé les plus grandes villes du pays. Il y avait déjà des pancartes brandies dans les rues qui demandaient le départ du président Biya, en place à ce moment-là depuis un peu plus de vingt-cinq ans. Il y avait déjà eu des morts, des affrontements avec les policiers, un déploiement de l’armée, le couvre-feu était décrété. Au soir du 28 février, dans un discours très offensif, il nous enjoignait de cesser tout cela et accusait les « apprentis-sorciers » d’instrumentaliser le peuple. Ce discours montrait un évident déphasage entre le message que son peuple voulait passer et ce que lui il comprenait. Les termes qu’il avait employés ne pouvaient qu’envenimer la situation. Mais que s’est-il passé dès le lendemain ? Les gens ont recommencé à vaquer à leurs occupations comme si de rien n’était. Et quand on demandait aux camerounais, pourquoi  le mouvement d’humeur s’était arrêté, la réponse était mécanique : « Le chef a parlé. Vous voulez qu’on fasse comment ? »

Les soulèvements populaires n’ont jamais mené nulle part car dès qu’ils se retrouvent confrontés à l’opposition des forces de l’ordre, ils se liquéfient littéralement. Quand on a l’impression qu’ils donnent un résultat, c’est juste parce qu’elles ont fait l’objet de récupération par groupe de quelques opportunistes (comme en Guinée Conakry avec le départ de Dadis Camara et à Madagascar et la récupération d’un ras-le-bol populaire par M. Andry Rajoelina). Et très peu de personnes chez nous sont capables de mettre leur vie en jeu pour défendre une cause qu’elles estiment juste, alors que quand on parle de révolutions, on parle aussi de pertes en vies humaines.

Mais il n’en demeure pas moins que les évènements en Tunisie et en Egypte vont faire naître des idées dans les esprits et peut-être faire sortir les populations d’Afrique de l’attentisme dans lequel elles semblent se complaire. Le risque zéro n’existe pas. De toutes les façons, les motivations ne manqueraient pas : régimes despotiques, misère chronique, manque d’emplois, inégalités, injustices. Et peut-être que les peuples d’Afrique noire sont restés dans cette mollesse parce qu’il n’y avait tout simplement pas eu un exemple suffisamment proche d’eux et de leurs réalité pour les inspirer. Maintenant, on sait que des descentes dans la rue peuvent faire basculer un ordre établi aussi puissant que ceux des régimes tunisien et égyptien. L’idéal serait que nous ne soyons pas obligés d’en arriver jusque là et que les personnes qui dirigent nos pays soit se mettent résolument au service de leur nation comme ils l’ont promis sous serment, soit qu’ils laissent à d’autres les fauteuils qu’ils occupent depuis trop longtemps déjà.

Mais mon avis est que nos dictateurs peuvent encore couler des jours heureux. Malheureusement, il n’existe pas encore chez nous des Mohamed Bouazizi pour allumer la flamme de la révolution.

Par René Jackson

Source image: wizzblog.com


Le cinquième pouvoir et les camerounaises

A l’aune des récentes évolutions de l’actualité, je me suis posé la question de savoir si les africains en général et les camerounais en particulier ont pu faire rentrer dans leurs mœurs l’usage courant d’Internet. Un simple coup d’œil permet de répondre de façon affirmative à cette interrogation. Il n’y a qu’à voir le nombre de FAI* (quatre officiels), les nombreux sous-traitants, le nombre de cybercafés qui naissent dans les villes et le matraquage publicitaire que nous subissons au jour le jour pour en avoir une idée. En plus, à tous les coins de rue, même des enfants et des personnes manifestement illettrées en connaissent un rayon. Mais tous ces gens ont-ils réellement conscience des multiples potentialités qu’offre cet instrument, de la puissance que sa maîtrise confère ? La réponse ici semble plutôt négative. Pourtant, l’Internet est en passe de devenir rien de moins que le cinquième pouvoir (après l’exécutif, le législatif, le parlementaire et la presse).

Comme d’habitude, il a fallu que soient plutôt mises en avant les bassesses que rendait possibles Internet. Le grand public au Cameroun a découvert cet outil, non pas par la promotion qu’on en faisait, mais plutôt par la dimension nouvelle que les histoires de mœurs y prenaient. Il était alors bien plus question des histoires de filles qui vont chercher leur « vieux blanc » et des garçons qui traquaient les veuves occidentales à épouser que des nouvelles capacités d’instruction que le Web pouvait pourvoir. De nombreuses  réputations ont été ternies par la simple expression : « on a vu Untel sur Internet », des femmes se sont ôté la vie parce que des photos assez osées d’elles déposées sur un quelconque site de rencontres ont été imprimées et placardées un peu partout dans les quartiers qu’elles habitaient. Ce qui fait que d’emblée, pour beaucoup de  camerounais, Internet a pour corollaire infidélité, mensonge, recherche du bonheur facile…

Une chose est à relever : au Cameroun, un cybercafé qui n’est pas doté de box privés équipés de webcams et de casques n’aura pratiquement pas de clientèle féminine, en dehors de quelques exceptions. Et ayant longtemps été tenancier de cybercafé, j’ai vu entrer dans ces box de bien belles (le faux jeu de mots ici est permis): des jeunes femmes à l’accoutrement si scandaleux qu’il ne laissait point de doute sur ce qui allait s’y passer, des fausses pudiques qui malencontreusement sortaient un string de leur sac au lieu de leur porte-monnaie au moment de passer à la caisse. Nombre de fois j’ai dû ramasser des sous-vêtements abjects, nettoyer des traces de liquide suspectes sur les sièges et par terre… Nombre de fois, lors des travaux de maintenance,  j’ai débusqué dans un coin des ordinateurs (et admiré avec quelquefois un bonheur un chouïa malsain) les photos  ou les vidéos capturées à l’aide de la webcam, qui dévoilaient merveilles que dissimulaient sous leurs vêtements les  jolies et prudes nymphettes qui avaient l’habitude de déambuler devant moi… Nombre de fois, j’ai été l’inconfortable témoin de conversations à la substance tellement explicite et si éhontées qu’elles suscitaient soit les railleries des autres clients, soit leur agacement et qui provoquaient chez moi une certaine gêne.  Ainsi, une fille qui est réputée comme étant une adepte des cybercafés trouve sa côte sérieusement ébranlée dans son entourage, certaines ont donc trouvé la parade : avoir un abonnement dans des cybercafés disséminés un peu partout quelles fréquentent en alternance pour ne pas se faire remarquer.

Mais c’est toutefois réducteur de considérer les choses seulement ainsi : j’ai aussi de nombreuses fois eu des clientes assidues qui venaient pour des raisons très nobles (des étudiantes qui étaient là pour des recherches académiques, des femmes qui utilisaient Internet pour discuter avec leur progéniture expatriée, certaines autres qui s’en servaient uniquement à des fins professionnelles, etc.). Et force est de constater que le nombre de cette catégorie-ci de femmes est bien plus élevé qu’autrefois tandis que celui des aventurières connaît une baisse sensible. Peut-être échaudées qu’elles ont été par les récits funestes largement diffusées ici à la radio, à la télévision où dans la presse des filles qui sont parties tous sourires vers l’eldorado européen et qui nous ont fait parvenir ici des histoires ahurissantes concernant le traitement inhumain que leurs « princes charmants » européens leur administrait (on parle ici de prostitution, de pratiques sexuelles vraiment étranges, de trafic de personnes ou d’organes, de drogue, de tortures…) La filière de la-vieille-blanche-qui-va-se-faire-plumer s’était soudain muée en celle du gentil-occidental-qui-vous-attire-pour-vous-extraire-toute-votre-substance.

Une note pour les dames qui lisent ce billet : je ne noircis que le tableau des femmes n’est ce pas ? Ce n’est surtout pas par misogynie, je tiens à le préciser. Ce que je dis là-haut vaut aussi souvent pour les hommes. En effet, je me rappelle toujours avec une pointe de dégoût de cet homme proche de la quarantaine qui m’avait donné à scanner des photos de lui dans le plus simple appareil. Ensuite, il a fallu que je l’aide à les télécharger sur un site internet gay… Et pour tout le monde, je ne veux pas faire comprendre ici que les camerounais ne sont que des pervers qui utilisent le net essentiellement pour assouvir leurs pulsions libidinales et/ou sentimentales. Non. Le visionnage des vidéos sur Youtube, l’utilisation des réseaux sociaux –Facebook et hi5 notamment, les messageries instantanées, la recherche de l’information, les formations à distance et l’écoute des émissions en streaming sont de plus en plus répandus dans les usages faits d’Internet. Sans oublier bien entendu le téléchargement – pas encore contrôlé ici – de la musique sur le Web.

*Fournisseur d’Accès Internet.

Par René Jackson


La Nouvelle Danse

Vendredi, 31 décembre 2010. Il est 23 heures 30. Enfin, cette année de galère s’achève. Ah ! Que de vertes et de pas mûres j’ai avalées pendant ces derniers mois! Il ne reste que trente petites minutes à supporter pour dire ciao à cette année calamiteuse. Mais faudrait-il encore pouvoir survivre jusque là. Je suis sur l’une des nombreuses motos qui sillonnent rues et ruelles de cette grande et cosmopolite ville de Douala et vue la façon dont les gens se comportent pendant cette nuit, nul doute que d’ici minuit, certains seront déjà allés voir de l’autre côté, celui d’Hadès. Tiens, un homme nous double. Il est debout sur sa moto. Quelques minutes plus tard, on en croise une autre, le conducteur et son passager sont assis dos à dos. Les habitants de cette ville font toujours dans l’exagération et la nuit du nouvel an, on a très souvent l’impression que certains croient passer leurs derniers instants sur terre et que de ce fait, ils doivent se comporter comme des écervelés.

Trois heures de temps plus tard, je nage dans de doux nimbes ! Je suis dans un bar à la mode de la ville. La musique est proprement assourdissante. Les « bonne année » et les embrassades de rigueur lors des douze coups de minuit se sont déroulés dans une effusion agitée. Je crois avoir déjà reçu une bonne brassée de SMS sur mon mobile. Je ne me souviens même plus de qui les a envoyés. De toute façon, je verrai cela le matin, après avoir cuvé dans tout ce que j’ai et vais ingurgiter pendant cette nuit. Il faut dire que j’en suis à ma cinquième bière, que j’ai savamment mélangée à un litre de vin rouge et à un soupçon d’un whisky manifestement frelaté que mon pote Dan avait sur lui. Une jolie créature est à mes côtés. Je pense me souvenir que cette fille ne m’a pas lâché d’un mètre depuis que je l’ai croisée en face de la vendeuse de poisson braisé au moment de mon arrivée quand nos regards se sont accrochés. Elle me parle. Engourdi que je suis par les effluves de mon alcool et par le son assassin du haut parleur juste derrière moi, je ne la perçois presque pas, mais à un moment je crois entendre un « allons chez moi ». Je ne me suis pas fixé une feuille de route en sortant de chez moi cette nuit. Si en plus de m’être complètement saoûlé, je peux me procurer un plaisir dont je ne saurai totalement rien d’ici quelques heures, eh ben, pourquoi pas ? Il faut que je m’assure d’avoir bien entendu déjà. Même comme elle me lance des regards très peu équivoques depuis plusieurs quarts d’heure…

Je lui fais signe de me suivre. Elle se lève déjà quand le DJ se décide enfin à lancer ce que nous attendions désespérément depuis des heures. La révélation de l’année. LE tube de ces derniers mois, la chanson qui fait fureur partout à Douala et dans toutes les autres villes du pays : le Pinguiss, alias La Nouvelle Danse !

Soudain, toute la faune présente dans le bar et dans ses environs, comme mue par un même ressort, s’éjecte des sièges et une chorégraphie d’ensemble s’engage. Tout le monde saute au même rythme et entonne en chœur les paroles de cette chanson endiablée. Ceci est plaisant à voir, mais le Pinguiss est une danse qui demande que le corps, jusque dans ses moindres fibres, se mette au diapason. Les jambes restent malgré tout la partie la plus sollicitée dans cette joute rythmique. Ah ! Le retour à l’authenticité ! Enfin, après tant d’années. Les derniers lampions du coupé décalé s’éteignent. Cette musique qui a incontestablement été celle qui a ambiancé Afrique, du moins occidentale et centrale, pendant la dernière décade. Qui n’a pas connu la Jet Set ? Qui n’a pas connu Douk Saga, dont le talent et la créativité n’avaient que son caractère fantasque et mégalomane pour tenir la comparaison ? Qui ne se souvient pas de la fulgurance et de la brièveté de la vie artistique de la dernière personnalité pour laquelle il fut organisé des obsèques nationales en Côte d’Ivoire ? Qui ne se souvient pas de celui qui a redonné aux jeunes africains l’envie de porter des Dolce & Gabanna, des Versace, des Louis Vuitton, le tout moulant et agrémenté des chaussures qui « parlent » et ne seraient crées qu’en 2035 ? C’étaient des articles grossièrement contrefaites par les chinois ? Mais bon, sur les photos, ça ne se voit pas que c’est du toc… Ce gars a influencé toute une génération et fait oublier aux ivoiriens et à une partie de l’Afrique la mélasse dans laquelle ils se trouvaient.

Mais aujourd’hui, le 1er janvier 2011, on danse le Pinguiss et on est contents ! Il est vrai que c’est loin d’être aussi mélodieux et profond qu’un bon vieux makossa de Sallé John ou de Nkotti François ; pas aussi bouleversant qu’un bikutsi de Messi Martin ou d’Atebass, mais on s’en satisfait. Ces gens ont créé de la musique, que leurs propres enfants (donc nous) sont venus torpiller par la suite. Les chansons de la musique camerounaise et africaine d’une certaine façon, sont devenues une simple récitation plate du carnet d’adresses. Chacun, au fil des « œuvres artistiques», débite consciencieusement et sans rythme aucun la liste de tous ceux qu’il connaît. Généralement, ce sont les noms des personnes influentes et/ou fortunées qui sont ainsi « chantées ». Et comme cette caste ne compte pas beaucoup d’individus dans nos chers pays, fatalement, on se retrouve avec les mêmes noms dans toutes les chansons. Je me souviens de l’observation rébarbative qu’avait une fois griffonnée mon professeur de philosophie sur ma copie en Terminale. J’étais selon lui « victime d’une sécheresse intellectuelle ». Il avait quand même raison. Tout comme j’aurais raison de dire que mes compatriotes de musiciens sont des asséchés de l’inspiration. Sinon, comment expliquer que, lorsqu’ils n’énumèrent pas les noms des gens, toutes leurs préoccupations tournent autour du bas-ventre? On ne chante pas l’amour ici. Oh, si ! Un peu. Mais pour parler de tromperies, de bastonnades, d’infidélités, d’abandons, etc. Du coup, certains se sont arrogé le titre d’avocat défenseur des femmes. Et ce, avec un réel succès, il faut le reconnaître.

La chanson est terminée, on en redemande, notre technicien du MP3 (comme quoi on avance avec son temps)  s’exécute. Et les sautillements et les jeux de jambes recommencent. Ce chanteur mérite quelque chose du Chef de l’Etat. Autant Eto’o nous a fait crier (mais aussi parier, bagarrer, s’entretuer et engager des discussions échevelées jusqu’à point d’heure de la nuit), autant ce crooner d’un nouveau genre nous fait sauter. On ne peut pas avoir autant d’influence sur toute une nation et ne rien obtenir du Chef de l’Etat, tout de même! Pas comme ces idiots qui sortent des albums dont vous ne trouverez une trace des CD que chez leurs proches, qui les accepte en cadeau par pitié, car même ces derniers n’auraient jamais osé les acheter, tant la qualité laisse à désirer. Et puis, quand un micro se tendra vers eux, ils expliqueront que leur album a été un échec à cause de la piraterie. Mon cher ami, si le créateur du Pinguiss arrive à TOUS nous faire danser, malgré l’atmosphère de piraterie dans lequel nous baignons tous, c’est qu’il y a immanquablement un truc qui cloche chez toi. Dans le monde actuel, la prime à l’originalité supplante bien de choses. Et le créateur du Pinguiss, c’est un Original. Il a su mettre en œuvre un mélange homogène de makossa, de bikutsi, de makounè, certaines influences ndombolo et coupé décalé dans des proportions optimales. Il a accompagné cela d’une danse, qu’il a aussi créée ! Ah, cette danse! Il n’y a pas meilleur façon de faire du fitness, mesdames : chaque matin, 20 minutes de Pinguiss, au saut du lit, en suivant bien les mouvements. Deux semaines de ce traitement et vous m’en direz des nouvelles. Cette originalité me rappelle un certain Koppo qui, il y a quelques années, avait un peu bousculé l’ordre établi avec un genre de slam en camfranglais* qui avait connu un réel succès. Et du coup, il s’était attiré les foudres des rappeurs du coin, qui s’échinaient depuis des années à relater les problèmes des camerounais, mais qui n’arrivaient pas à se distinguer. Il ne fallait pas que ce mollasson de Koppo, avec son style de femmelette, qui en plus ne pouvait même pas aligner deux rimes successives vienne leur voler la vedette.

A la fin de la quatrième diffusion de la chanson, tout le monde est épuisé. C’est une véritable débauche d’énergie, tout dans le rythme. Je regarde tout autour de moi, je recherche la bombe de tout à l’heure. Je la fouille partout, partout. Finalement, je la retrouve. Aux bras de cher Dan. J’arrive juste à temps pour les voir monter dans un taxi qui les mène vers une destination encore inconnue. J’ai comme l’impression que je vais rentrer seul, ce soir. Mais bon, ce n’est pas grave, je n’avais pas de feuille de route, je l’ai dit. Je rentre au bar, un dernier Pinguiss pour la route ne me ferait pas plus de mal.

A sept heures trente du matin, je me réveille. J’ai comme la gueule de bois. Mais elle n’est pas aussi lourde que je l’aurais estimée. Mais qu’ai-je fait cette nuit pour que curieusement, je me sente aussi bien ? L’alcool en règle générale n’est pas aussi clément avec moi. Je m’en souviens maintenant : je me suis endormi sur mon bureau, épuisé que j’étais par la journée de travail, par les victuailles qu’il fallait partager à la maison en famille. Il fallait que je rédige une profession de foi pour la nouvelle année et c’est là que je me suis effondré. Certains l’oublient, mais le passage à la nouvelle année n’est pas seulement une occasion pour faire la fête, mais aussi le moment de prendre de bonnes résolutions.

Mais pour le Pinguiss, je n’ai pas rêvé, rassurez-vous. Elle existe bel et bien, la Nouvelle Danse. La preuve en images plus bas. C’est un véritable régal pour les yeux!

Encore tous mes vœux les meilleurs pour cette année 2011, quoiqu’avec un petit retard.

Je dédie très spécialement ce texte à Eva Cynthia E.


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*Camfranglais: sorte de dialecte populaire et très parlé au Cameroun, qui allie des termes issus du français, de l’anglais, du pidgin-english et des langues locales.

Par René Jackson

Capture d’image clip vidéo Pinguiss, interprété par Daniel BAKA’A


Le réveil tunisien!

« Je vous ai compris, je vous ai compris, je vous ai compris […] Je me suis laissé tromper, abuser par mon entourage […] Certaines personnes sur lesquelles je comptais m’ont caché la vérité sur la réalité de ce qui se passe dans notre pays […] Je vous ai compris […] Je vous ai à maintes reprises dit que je comptais pas rester président à vie. Je m’engage donc à ne pas me porter candidat à l’élection présidentielle de 2014 […] On va engager des réformes pour améliorer les conditions de vie de tous les tunisiens […] Les prix des denrées comme la farine, le lait et le pain vont être revus à la baisse […] Les libertés de parole et d’expression seront désormais promues et sauvegardées. Les censures sur Internet seront levées et les personnes incarcérées à cause de leurs opinions seront libérées […] Cessez les émeutes, je vous ai compris ».

Ces propos surréalistes ont été tenus hier soir par Zine El-Abidine Ben Ali, le président de la république de Tunisie. J’en suis presque tombé à la renverse quand j’ai entendu ces propos. C’était tellement hallucinant que j’ai passé des heures à courir à travers différentes chaînes de télé pour m’assurer que je les avais réellement entendus! Entendre un président africain dire qu’il reconnait avoir commis des erreurs, dire qu’il va les réparer, dire qu’il va lâcher le pouvoir (bon, dans quelques années tout de même), parler de liberté d’expression, tout ça est tellement rare que ça mérite d’être souligné! Et dire qu’il y a moins d’une semaine, le même bonhomme accusait les mêmes manifestants d’être des terroristes et des délinquants de la pire des espèces en les menaçant même de les exterminer. La police a interpellé des jeunes à la pelle, en a tué des dizaines d’autres.

Aujourd’hui, les contestations continuent dans les rues de Tunis et des autres villes du pays. Le tunisiens demandent clairement le départ de Ben Ali et de son clan. Pour eux, les promesses faites dans son allocution d’hier ne suffisent pas. Comme on a pu le lire sur une pancarte ce matin: « On n’a pas eu tous ces morts pour Youtube et Dailymotion »!

La vidéo du discours du président Ben Ali:

Discours Ben Ali du 13 janvier 2010

Par René Jackson


Et s’il y avait partition du Soudan?

Depuis hier dimanche, la partie sud du Soudan est soumise à un référendum d’autodétermination qui décidera de la partition ou non du Soudan. Ce processus arrive à la suite d’une longue guerre civile dans le pays  et d’une non moins longue série de négociations. Cette partition du soudan, qui semble assez inéluctable entraînera la formation de la République du Sud-Soudan qui deviendra un Etat indépendant le 9 juillet prochain. Quelles seraient les incidences de la création de ce nouveau pays?

La première conséquence sera bien évidemment la création d’un nouvel Etat qui s’ajoutera aux 53 autres déjà existants sur le continent.

La création du Sud-Soudan affectera de façon notable la géographie du continent africain. En effet, le Soudan en l’état actuel, n’est rien de moins que le pays le plus vaste d’Afrique, avec ses 2 502 310 kilomètres carrés. Avec la partition, le nord-Soudan disposera désormais de 1 916 065 kilomètres carrés et passera à la troisième position du Continent après l’Algérie (2 381 561 kilomètre carrés) et la République Démocratique du Congo (2 344 858 kilomètres carrés).

Mais ceci ne sera pas sans problèmes, surtout au plan régional. Le Nil (le fleuve le plus long d’Afrique -6 500 kilomètres) est l’objet depuis des décennies de querelles. L’Égypte qui, pour des « raisons historiques », contrôle plus de la moitié de ses ressources, veut avoir son mot à dire sur tout ce qui se passe sur toute sa longueur, ce que contestent les quelques 9 autres pays riverains. L’avènement d’un nouveau protagoniste dans cette affaire (le Sud-Soudan est aussi traversé par la Nil) accroîtra la complexité de cette géopolitique fluviale.

Il se pose aussi le problème de la répartition des ressources pétrolières entre le Soudan et son futur rejeton. Il faut dire que presque tous les gisements se trouvent dans le Sud. Ce qui préoccupe Khartoum qui les contrôlait jusqu’alors. Selon Omar El Béchir, le président actuel du Soudan, des négociations vont être engagées afin d’obtenir le partage de cette ressource. Il souhaite aussi relancer la filière agricole afin de compenser la baisse imminente des recettes pétrolières pour son pays.

On est en droit de s’interroger sur l’impact que cette partition aura sur l’instabilité qui caractérise cette partie de l’Afrique, surtout avec le conflit du Darfour. Le sud-Soudan n’aura pas à s’en préoccuper, car la région du  Darfour n’empiètera pas sur son territoire. Mais on peut espérer que le Soudan, délesté du poids des sécessionnistes sudistes aura plus à cœur de résoudre ce conflit que certains qualifient déjà de génocide.

Ce qu’il faut souligner est que malgré cette indépendance, le sud-Soudan sera toujours quelque peu dépendant de son voisin nordiste. En effet, le pays sera enclavé et aura grandement besoin des infrastructures portuaires du Soudan pour faire sortir son pétrole. Il aura aussi besoin de certaines autres infrastructures (aéroports, voirie) qui n’existent pas encore dans le (futur) pays.

Doit-on saluer la partition du Soudan? Pas vraiment, d’un certain point de vue. Car cet exemple pourrait faire jurisprudence dans un continent où plusieurs pays connaissent des tensions créées par des groupes ou groupuscules qui réclament une scission. Les exemples ne manquent pas : le Nigeria (avec le MEND), le Cameroun (où un groupe anglophone demande que la partie anglophone soit séparée de la partie francophone), Le Maroc (et le Sahara Occidental),  le Sénégal (la situation de la Casamance), La République Démocratique du Congo (avec le problème katangais)…

Rendez-vous dès la semaine prochaine pour les premières tendances quant à ce référendum qui durera jusqu’à dimanche. Le premier enjeu étant la participation, car la consultation sera validée si, et seulement si, au moins 60% des populations admises à voter le font. Au vu de l’affluence devant les bureaux de vote depuis hier, il y a de fortes chances que ce quota soit atteint et même dépassé. Encore reste-t-il que les résultats soient acceptés par les parties, ce qui n’est pas toujours gagné en Afrique.

Par René Jackson

Source Image: NASA