
Je n’ai jamais fait mystère de ce que je pense du cinéma camerounais de façon générale. Nos films sont plus la plus grande majorité un agglomérat de séquences qui font un tout imbuvable. Mais il se trouve que depuis quelques temps ça change. Il y a peu, je suis tombé sur le film Paris A Tout Prix, ou les aventures d’une jeune camerounaise qui était prête à tout pour aller à Paris. Tout y est passé : escroqueries, interceptions à la frontière, gardes à vue, vol. Elle a finalement pu partir du Cameroun après être passée par la case prostitution et est arrivée à Paris. D’où elle a été rapatriée toutes affaires cessantes parce que le mari – un Blanc – de celle qui l’hébergeait avait osé s’intéresser à elle. Après je me suis dit : ok, un bon film camerounais. Rendez-vous dans dix ans pour le prochain. Alors, quand mon ami m’envoie un SMS cette nuit à une heure et demie du matin pour me dire de regarder Le Blanc d’Eyenga, un film qu’il m’a passé quelques heures plutôt, je me dis qu’en plus du fait de se tromper rarement dans ses recommandations, s’il prend la peine de faire sonner mon téléphone à une heure pareille, ça doit vraiment être quelque chose ce film !
Et ça a été au-delà de mes espérances. Parce que j’ai ri. A gorge déployée. Moi, un film qui me fait rire, même s’il n’a ni queue, ni tête, est un film qui me plaît. Mais Le Blanc d’Eyenga n’est pas sans queue ni tête ! Bien au contraire.
Voilà le synopsis pour ceux qui malheureusement ne verront pas ce film : Eyenga est une jeune camerounaise d’une vingtaine que la nature, ô Seigneur Dieu tout puissant, a doté de tous les atouts possibles: poitrine opulente, derrière fourni et des lèvres appétissantes. Elle décide d’aller sur Internet trouver son Blanc quand elle apprend que sa voisine a pris l’avion pour aller rejoindre le sien. Elle se rend manu militari dans le cybercafé du coin et alors là, l’une des scènes les plus épiques du film se déroule : Eyenga se déshabille face à la webcam, elle malaxe vigoureusement ses seins lourds, puis écarte les jambes, pose les pieds de part et d’autre de l’écran et entame des caresses lascives dignes de ces films que vous imaginez. J’en suis resté coi, totalement estomaqué. Mola, le gérant du cybercafé, un maquereau doté d’un redoutable sens des affaires voit le potentiel d’Eyenga. Il lui propose une séance photo. Qu’elle accepte.
Quelques temps après, Mola l’appelle : un gibier a mordu à l’hameçon ! Il s’agit de Jean François. La soixantaine, ingénieur en France. Un puits sans fond à fric, puisqu’il envoie de l’argent à Eyenga pour préparer sa venue au Cameroun, pour l’épouser. Bien évidemment, elle fait 50/50 avec son maquereau, qui ne se prive pas de lui faire des avances.
Le jour-J, Eyenga attend son Blanc, qui arrive…sur des béquilles ! Il et infirme, le Jean François ! Dès ce moment là, Eyenga a cessé d’aimer son Blanc. Elle ne le supporte d’autant plus qu’il est un véritable goinfre, un buveur patenté, qu’il l’appelle tout le temps pour se faire transporter aux toilettes. Et le comble étant que le Jean François est un étalon dont l’appétit sexuel et la perversité sont sans limite, ce qui laisse Eyenga totalement courbaturée le matin. Et même pendant qu’elle se fait masser par sa tante pour réparer les dégâts causés des assauts de son homme, celui-ci l’appelle pour remettre le couvert. Sa tante l’encourage avec ses mots à elle : « le chemin du ciel est toujours tortueux. C’est au bout de la persévérance qu’il y a le résultat ».
La cérémonie de mariage est un supplice pour Eyenga, qui signe les papiers avec un haut-le-cœur. Elle n’aura heureusement pas à supporter Jean François car elle a prévu de disparaître une fois arrivée en France. Et c’est là que le ciel lui tombe sur la tête : Jean François lui explique qu’il est un ingénieur, certes, mais sans emploi. Il n’a pu venir au Cameroun que grâce à des petites économies et qu’il ne peut plus rentrer en France car il n’a pas de logement et en plus est endetté jusqu’aux cheveux. Le sang d’Eyenga ne fait qu’un tour. Outrée par cette trahison, elle expulse son Blanc de chez elle sur-le-champ et ne manque de peu de l’écorcher vif . Jean François ne doit son salut qu’à l’intervention salvatrice de Rim, la tante d’Eyenga.
Tante Rim accepte d’héberger et de prendre soin de Jean François à condition qu’il participe aux tâches de la maison. C’est ainsi qu’on le voit s’enfumer, les yeux larmoyants, au dessus du four de la tante, vendeuse de poisson braisé. De temps à autres, il l’aide à écailler le poisson. Ou alors il observe Papi, le fils de Tante Rim, qui passe sa journée à jouer à sa console en commentant lui-même ses matchs avec les « Eto’o Fils into de area » et les « Linus, est-ce que vous m’entendez ? » Le rêve de Papi, grand fan de l’Olympique de Marseille, est celui de commenter un match en direct du Vélodrome* en compagnie d’Hervé Mathoux** et d’Aimé Jacquet***. Une relation assez étroite naît entre la Tante qui enfin consent à décrocher la photo de son feu mari du mur de son salon, et Jean François, ce qui la conduit à l’inviter dans sa chambre pour des ébats si bruyants que Papi ne peut s’empêcher de commenter sarcastiquement: « Mesdames et messieurs, tout est à refaire dans cette équipe, malgré qu’on ait injecté du sang neuf. La photo du papa en a subi un coup. Mais je crois qu’avec les nouveaux joueurs, les choses iront mieux ».
A la fin, Jean François révèle sa véritable personnalité. Il n’est pas infirme, est un chef d’entreprise. Il est tombé amoureux d’Eyenga sur Internet mais avant de venir au Cameroun, un ami lui a fait lire un article sur les « cameruineuses », ce qui l’a poussé à jouer toute cette comédie. Mais il demande la Tante en mariage et emmène Papi pour lui permettre de tenter de réaliser son rêve…
Ce film est criard de vérité. Il n’y a rien à dire de plus. Ce qu’il faut ajouter est que je suis désolé pour mes sœurs camerounaises qui pensent pouvoir pigeonner les européens à travers des caméras interposées. Ces gens ont lu la trajectoire de votre tir avant même que vous n’ayez frappé dans le ballon. C’est eux qui ont créé Internet, les cybercafés, les ordinateurs et les webcams, les sites de tchatche et les messageries instantanées. Et vous comptez les tromper avec alors que vous ne savez même pas lire ? Balivernes!
Je doute que ce phénomène se limite aux camerounaises. C’est juste que « cameruineuses » sonne bien mieux que « sénégaruineuses », « Buruineuses Faso », « congodémocratiqueruineuses » ou « togoruineuses ». Cela ne se limite pas aux seules camerounaises, mais il faut avouer que on a parfois eu l’impression qu’une véritable industrie de la recherche du Blanc était née par chez nous. Ca s’est calmé depuis, mais ça a mis long feu. Beaucoup y ont trouvé leur bonheur, mais pour combien qui ont sombré dans la déchéance ?
Mes chères compatriotes cameruineuses, je tiens à vous remercier. Vous faites la renommée de notre pays. Ce n’était pas déjà assez les records de corruption, les records de durée au pouvoir (je parle ici de Issa Hayatou, qui après une vingtaine d’années à la tête de la CAF s’est encore fait réélire pour un mandat. N’allez pas penser à ce à quoi je n’ai pas pensé. Je ne veux pas les problèmes), les records de faussaires d’origine camerounaise. Maintenant, quand on parle des jeunes africaines qui ont pour ambition de mettre de pauvres européens sur la paille, les camerounaises, que dis-je, les cameruineuses sont en première ligne. Merci pour tout.
Si ça peut vous rassurer, chers amis européens, nos sœurs n’attendent pas d’être avec vous pour mettre en pratique leurs talents de ruineuses. Nous-mêmes en payons chèrement le prix. Comment appelle-t-on une fille qui, lorsque vous sortez avec elle, est capable de boire quatre Guinness à 1500 francs pièce après avoir englouti un demi-kilo de viande de porc grillée, alors que toi-même qui paie, tu n’as pas encore fini de boire ta petite Fanta ? Si ce n’est pas une ruineuse ça, je ne sais plus comment je m’appelle.
Je terminerai par une petite mise au point : tous les gérants de cybercafé ne sont pas des intermédiaires dans le business du mariage en ligne. C’est une image à rétablir, car elle est hautement respectable. Jamais de toute ma carrière de gérant de cybercafé, et Dieu m’est témoin, je n’ai pris de l’argent à une fille en lui promettant de lui trouver un « réseau ». La seule aide que j’ai apporté à ces filles était de régler la focale des webcams, de faire fonctionner les casques audio ou de donner mon avis sur la beauté ou la laideur de leur Roméo. Et rien d’autre. Nous ne sommes pas tous des voyous !
Par René Jackson
PS : Merci à Daniel ESBI pour m’avoir fait découvrir ce chef d’œuvre que je recommande. Un bon moment de cinéma camerounais, je suis bien forcé de l’admettre.
*Stade domestique de l’Olympique de Marseille
**Commentateur sportif à Canal+
***Ex-entraineur de l’équipe de France de football
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