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Voyage vers l'Ouest - partie 3

Hôtel de Ville de Bandjoun

La troisième partie de l’aventure…

 

 

Le Nkam. Un nom porté à la fois par un département et par un cours d’eau. Le cours d’eau, lui, va se jeter dans la Sanaga, dont il est l’un des affluents. La Sanaga qui à son tour se jette dans l’Océan Atlantique à Kribi. Un phénomène assez unique s’y produit. Il paraîtrait que c’est le seul endroit du globe où on peut observer les eaux d’un fleuve se déverser dans la mer par l’entremise d’une chute. Mon pays est magnifique à certains égards. Déjà que nous possédons le deuxième endroit au monde où on enregistre le plus de pluviométrie au monde, sur l’un des flancs du Mont Cameroun.

Le fleuve communément appelé « Petit Nkam » constitue la frontière principale entre la province du Littoral et celle de l’Ouest. La voie l’enjambe par l’entremise d’un pont. D’ailleurs, on en construit un autre à coté. C’est vrai que l’ancien – qui est encore en service et que nous allons utiliser – est assez vieux et dangereusement étroit, au vu du gabarit souvent important des véhicules qui l’empruntent et de la vitesse à laquelle ils roulent dessus.

Le fleuve à cet endroit offre l’un des plus fantastiques paradoxes auxquels j’ai jamais eu à assister. Ces contrastes ne peuvent être classés par ordre d’intensité, car ils sont tous frappants.

Le coté Littoral du fleuve est assez plat. On remarque juste quelques montagnes éparses, jetées ci et là par une main assez diserte. L’axe contourne sans aucune difficulté celles qui se présentent à lui. Les côtes, si elles sont présentes, n’affichent pas des pourcentages supérieurs à 2%. Mais dès ce pont traversé, on se retrouve nez à nez avec une colline abrupte. Et il en sera ainsi tout au long du reste du voyage. On roulera à flanc de colline, ou on les gravira pour en atteindre le sommet et se  retrouver ainsi sur une mince corde routière où de part et d’autre, se seront des versants allant de quelques dizaines à plusieurs centaines de mètres de profondeur. Le parcours sera alors truffé de virages. Il y en aura bien plus sur les 72 kilomètres à venir que sur les 180 premiers, car il faudra tour à tour éviter d’attaquer trop frontalement les montagnes et  tenter de contourner les vallons abrupts. Le système direction et d’embrayage des véhicules y est mise à rude épreuve. Ainsi que la précision et la dextérité des conducteurs, car pour cause de relief, la largeur de la chaussée est réduite au minimum syndical. Et vu qu’il faut croiser d’autres véhicules, certains costauds, il y a fort à faire.

 

Depuis le début du voyage, il y a une chaleur torride et assez moite dans l’habitacle de ce car. Malgré la pluie qui tombe drue dehors. Il y a des gens qui s’éventent avec des mouchoirs de poche, des magazines ou en se servant de leur main, tellement elle est étouffante, cette chaleur. Quelques kilomètres parcourus dans les méandres de la montagne et le comportement des passagers change. Les vitres qui restaient ouvertes même sous la pluie se ferment une à une. Les pull-overs ou des blousons commencent à être enfilés. Ceux qui les avaient déjà sur eux font grimper leur zip jusqu’au menton. Quelques temps plus tard, on aperçoit des mains qui se frottent l’une contre l’autre, et certaines personnes qui grelottent. Le froid sec et glacial des « grassfields » de cette fin d’après-midi pluvieux nous souhaite la bienvenue.

A Douala, le citadin est tout le temps confronté à du sable. Il y en a partout, ce sable semi-fin et cette poussière qu’il faut tout le temps enlever du sol, de ses chaussures, de ses meubles, de ses vêtements. Ce sable et cette poussière pâles qui, d’une simple pichenette de balai, de brosse à chaussure, de chamoisine ou de détergent abdiquent et se détachent sans demander leur reste. Et dans le Moungo, la terre a une couleur à prédominance noire, ceci dû au fait que c’est une région qui a subi une activité volcanique par le passé très intense. Le pont du Nkam franchi, tout cela change. La terre rougit. Et elle rougit de plus en plus au fur et à mesure que l’on s’enfonce dans la région. Et à une certaine altitude, elle est totalement rouge. Cette terre latéritique, extrêmement dense, très peu poreuse et pas du tout vaseuse. En comparaison avec celle de Yaoundé, elle fait moins de boue mais est plus salissante. Ici, elle est le principal matériau entrant dans la construction. Les briques sont faites de terre et d’eau. La mixture servant de jointure entre les briques est faite de terre et d’eau. Ces briques sont un solide rempart. En effet, les balles d’une arme à feu de calibre moyen ne peuvent pas les perforer. Cette terre vous embaume de ses fragrances qui, déjà bien présentes par temps sec, sont exaltées lorsqu’elle est trempée. Il règne toujours un parfum particulier dans les maisons. Mais cette terre est aussi un véritable poison. Elle sait s’accrocher. Quand il pleut, elle se tient à ton vêtement. En saison sèche, elle devient une véritable calamité. Car elle se transforme en poussière. Et ton blanc tout blanc d’il y a quelques heures est désormais un blanc à tendance orangée.

La végétation est assez luxuriante. Le paysage est  composé parfois de grands arbres (parmi lesquels prédominent les eucalyptus), d’arbres fruitiers (avocatiers, manguiers, et surtout safoutiers). On remarque aussi çà et là de hautes herbes, des petites plantations et aussi la savane, composée d’arbustes. L’odeur de la végétation y est aussi très présente, surtout de la part des eucalyptus et des fleurs de tournesol qui bordent la route. Mais ce plein assouvissement du sens de l’odorat est de temps à autres perturbé soit par les odeurs pestilentielles dégagées par le conduit d’échappement de quelque camion éprouvant toutes les peines du monde à escalader la montagne, soit par un individu qui a eu la mauvaise initiative de s’en griller une…

A suivre…

Par René Jackson

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Auteur·e

ntrjack

Commentaires

Boukari Ouédraogo
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Belle photo

CNA Training
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nice post. thanks.

René Nkowa
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Merci