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NoBakChich, nouvelle arme anti-corruption au Cameroun ?

 

C’est malheureusement un secret de polichinelle : depuis une bonne poignée d’années, le Cameroun fait partie des plus mauvais élèves dans l’école de la probité est de l’assainissement des mœurs publiques. Le fond a d’ailleurs été atteint en  1998 et 1999 quand le Cameroun a été désigné par Transparency International comme étant le pays le plus corrompu de la planète. Cela a eu l’effet d’un électrochoc sur l’opinion publique et les autorités camerounaises. Ces dernières tentent, avec vraiment pas de succès, il faut se l’avouer, d’endiguer ce fléau. Le problème de la corruption nécessite une prise de conscience au plus haut niveau de l’Etat bien entendu, mais aussi au niveau de chaque citoyen. Ce message a apparemment été compris par un programmeur qui a décidé de monter une application informatique dénommée NoBakChich qui dans l’idée doit aider à lutter contre la corruption au Cameroun. Comment fonctionne cette application ? Pourra-t-elle atteindre ses objectifs ?

 

Le 15 avril dernier, Google a lancé le concours Android Developer Challenge – Afrique Subsaharienne, qui invitait les programmeurs de l’Afrique Noire à élaborer des logiciels – ou applications – qui seraient mis à la disposition des possesseurs de plus en plus nombreux de smartphones et des tablettes tactiles  dotés du système d’exploitation Android de Google. C’est dans ce cadre qu’est né NoBakChich, qui est conçu par le programmeur camerounais Hervé Djia. Cette application a un fonctionnement très simple : elle indique la procédure à suivre lors de diverses procédures administratives : établissement de carte nationale d’identité, de licence pour un débit de boisson, d’un certificat médical, d’autorisation de manifestation, d’un certificat de perte… Elle est sensée indiquer les frais nécessaires à l’obtention de ces divers documents, les pièces constitutifs du dossier de demande, les délais d’obtention des documents désirés. Et le possesseur d’un terminal disposant de cette application peut signaler un cas de « tchoko » (de pot-de-vin) dont il est victime ou témoin. Le signalement de l’administration fautive est fourni et l’information est répercutée vers tous les autres utilisateurs de l’application. Cette application est totalement gratuite et disponible en téléchargement.

Je l’ai testée. Au niveau de l’utilisation, cette application est loin d’avoir un comportement exemplaire. Elle est d’abord très instable. Les bugs sont récurrents. Mais le plus grave est la qualité des renseignements qu’elle fournit. Les frais indiqués sont ceux réglementaires, mais en ce qui concerne la liste des éléments nécessaires pour obtenir les documents souhaités, c’est la catastrophe. On retrouvera ceci : « Etape 1 : préparer un certificat de naissance délivré par l’hôpital où est né votre enfant ; Etape 2 : Joindre une copie de CNI des deux parents ; Etape 3 : Rendez vous dans un centre d’état civil pour les déposer ; Etape 4 : L’acte de naissance vous est délivré sous 4 heures ; Etape 5 : Y’en a pas 😀 », que ce soit pour une demande d’acte de naissance, de permis de bâtir, de visa, de titre foncier, de visite technique automobile, de carte de contribuable, etc. Ceci apporte encore un sérieux bémol, car l’information mise à la disposition des éventuels utilisateurs est complètement erronée.

Le plus gros handicap malgré tout de cette application n’est pas sa conception, mais son impact. Car au Cameroun, un smartphone Android est littéralement hors de portée du citoyen lambda, quand on sait que le prix de l’un de ces appareils est de 5 à 15 fois supérieur au salaire mensuel moyen; à fortiori les tablettes. Ainsi, ce n’est qu’une infime partie de la population qui dispose de ces bidules technologiques. Donc, le logiciel peut être le plus abouti qui soit, mais s’il n’a pas la possibilité de toucher les gens dont il est cible, il est inutile.  D’un autre côté, la fonction réseau social sera limitée car l’internet mobile est encore au stade pré-pubertaire dans notre pays et encore trop cher pour que les utilisateurs puissent se connecter avec aisance et échanger les informations.

Mais on peut tout de même espérer qu’avec la fracture numérique qui se résorbe très rapidement, ces technologies deviendront plus accessibles au commun des camerounais. En outre, NoBakChich est une initiative qu’il faut saluer car elle entre dans le cadre de la lutte contre la corruption, cette corruption qui est le plus grave péril qui menace actuellement le Cameroun. De plus, cette application n’en est qu’à sa première version et nul doute qu’au fur et à mesure qu’il y aura des retours de la part des utilisateurs et qu’au gré des mises à jour, ce logiciel gagnera en performance et constituera une  source fiable d’informations pour ceux qui ne veulent pas se perdre dans les affres des procédures administratives au Cameroun et ainsi éviter de se faire arnaquer par des fonctionnaires véreux.

 

L’application NoBakChich est présentée plus en détail sur le site du développeur où elle peut être  téléchargée.

 

Par René Jackson

Source image: www.techloy.com

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ntrjack

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