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J'ai écouté Random Access Memories de Daft punk et...

Random Access Memories / Daft Punk
Random Access Memories / Daft Punk

Les plus ardents défenseurs de la démocratie disent que le peuple a toujours raison. Et que le peuple est souverain. Il n’en est pas forcément de même quand il s’agit de culture. Tout un chacun a ses goûts et ce qui plaît au premier ne passe pas forcément chez le deuxième. Ce qui fait que très souvent, je ne me fie pas à l’admiration béate dont font souvent preuve les foules vis-à-vis des artistes, quels qu’ils soient. Il en existe malgré tout qui font presque l’unanimité, comme Picasso, Steven Spielberg ou Pelé. Mais aussi, la béatitude manifeste du public vis-à-vis d’une œuvre se justifie parfois. Et dans ce cas, il est judicieux suivre le mouvement général. Ca réserve des surprises, comme celles que m’a réservées le dernier album de Daft Punk, Random Access Memories.

Je n’ai jamais fait de vraie chronique musicale sur ce blog. Il est vrai, j’ai parlé de DJ Arafat ; de Duc-Z et de son Je Ne Donne Pas Le Lait ; de Daniel Baka’a (le créateur du Pinguiss) ; de Psy et de son Gangnam Style. Mais je le faisais de façon décalée. J’en parlais pour parler d’autre chose. Pardon pour les redondances. Avant d’en arriver à Daft Punk, il est bon de savoir d’où je viens, musicalement parlant.

Mon goût pour la musique me vient de mon père. Grand amateur de musique, mon enfance a été bercée par les œuvres de ses années de jeunesse à lui. Des années soixante et soixante-dix. Il a fait de rares incursions dans les quatre-vingts et quatre-vingt dix.

Doté d’une grande ouverture d’esprit, il a pu acquérir une extraordinaire culture musicale. Dont j’ai en quelque sorte involontairement hérité. Il faut dire que de prime abord, j’étais réfractaire à ses préférences musicales. Comme tout enfant, je préférais de loin les airs à la mode, de mon époque. Le compact disc faisait son apparition et il en était encore à nettoyer chaque sillon de ses vinyles. Les vernis à ongles maternels se retrouvaient tous en train de coller les bandes coupées des cassettes audio paternels. Un jour je lui ai demandé pourquoi est-ce qu’il n’achetait pas de la musique plus contemporaine. Il me donna une réponse dont je saisis toute la véracité aujourd’hui : ce type de musique, on l’oublie très vite. En effet, qui se souvient encore de Asereje de Las Ketchup?

C’est peut-être pour cette raison que Michael Jackson ne fit jamais partie de sa bibliothèque musicale. Mais alors, pourquoi ce deuxième prénom qu’il m’a pourtant donné ? La grande interrogation.

Autre trait caractéristique, il écoutait très peu de musique camerounaise. Le seul artiste de notre pays qui trouvait grâce à ses yeux était André Marie Tala. Il avait tous ses disques. Peut-être parce que dans leur jeunesse, ils avaient fait les quatre-cents coups ensemble. Très tôt, j’ai été programmé pour être un amateur de musique étrangère. Otis Redding n’avait plus aucun secret pour moi. Ainsi que Fletwood Mac. Je me suis vu imposer de longues journées de Boney M. The Temptations me berçaient, j’ai fini par connaître les paroles de toutes les chansons de Abba. Ils étaient tous là : de Wilson Pickett à Fred Mercury en passant par Donna Summer, Smokey Robinson, Mary Mc Kee, The Eagles, Luther Vandross, Bob Dylan, Juice Newton, George Benson et j’en passe.

Pour varier, j’avais droit à Coupé-Cloué, à Ladysmith Black Mambazo, à Femi Anikulapo Kuti, à Prince Nico Mbarga, Lucky Dube, Mbilia Bel, Yvonne Chaka-Chaka, Emeneya, Pascal Vallot, Francky Vincent,  Johnny Halliday, Joe Dassin, Mort Shuman, Julien Clerc, Georges Brassens

Ainsi j’ai été formaté. Préférant l’album au single, car l’album permet de mieux cerner l’artiste. Dans ma musicothèque personnelle, il y a de tout. J’ai bien sûr des airs de mon temps. C’est aussi très éclectique car on peut y trouver de la musique religieuse, indoue, inuit, du folklore inca, du gothique. Par contre, pour parfaire l’héritage, je laisse très peu passer la musique camerounaise. L’une des rares qui conserve mon affection est le bikutsi, car à mon avis c’est elle qui garde une certaine authenticité. Malgré les propos grivois que ceux qui chantent ce rythme profèrent à longueur de chansons.

Je reste encore très ancré dans les années soixante. Mais je ne suis pas de l’avis de ceux qui pensent que les reprises dénaturent le travail des pionniers. Elles dépoussièrent certaines œuvres. Moi par exemple, c’est grâce à une reprise magnifique du titre At Last par Céline Dion que j’ai découvert la fabuleuse Etta James. Et tout le monde se rappelle de I Will Always Love You de Withney Houston.

Jusqu’à la semaine dernière l’album qui occupait le haut de ma playlist, et ce depuis plus d’un an, était Nevermind de Nirvana. Qui date du début des années quatre-vingt dix.

Jusqu’à ce que je tombe sur ce prodige de Random Access Memories ! Un album à la fois surprenant et génial !

Surprenant. Pour ceux qui ne connaissent pas Daft Punk, c’est eux qui ont lancé une mode dans laquelle les artistes de tous bords se sont plongés. Quel que soit leur genre musical : l’électronique à outrance. Tout se fait dans une chambre, sur un simple ordinateur. Et eux qui n’étaient sûrement pas des voix si prodigieuses, ont fait usage massivement de l’auto-tune, cette technique qui permet de modifier les voix, de les rendre presque robotiques. Aujourd’hui, la musique populaire n’est faite que de ça. Pour prendre un exemple typiquement africain, je parlerai du coupé-décalé ivoirien et de tous ses dérivés. La musique faite par des « DJ » qui en fait sont plus des superposeurs de sons synthétisés que des musiciens. Se démarquant de cette veine, dans son dernier opus, Daft Punk a décidé de remettre au goût du jour 2 choses : les vrais instruments et le style des sixties. A certains moments quand j’écoute ce disque, j’ai du mal à réaliser que c’est le boulot d’un duo qui avait fait de l’électronique sa marque de fabrique.

Génial. Les critiques ont été dithyrambiques ! Et il faut avouer que ce n’est pas du tout volé. Parfois, quand j’écoute un album il y a quelques titres que je saute volontiers. Mais Random Access Memories, ce sont treize titres, une heure et quatorze minutes de pure évanescence musicale. Bien sûr, il reste la touche du duo,  de l’électronique, des voix modifiées. Mais cela n’occupe plus la place prépondérante. On entend aussi des sons naturels. Des vraies voix, la délicatesse d’une guitare acoustique, le hurlement d’une guitare électrique, le grondement profond d’une vraie basse, la clarté des cymbales et d’une caisse claire. Des choses qu’aucun synthétiseur n’a jamais réussi à reproduire.

J’ai écouté Random Access Memories de Daft Punk et j’ai fait plus qu’aimer ! Je le recommande !

Pour la #MondoblogTeam, voici mon #Top10 de mes titres dans l’ordre de préférence (c’est un raccourci odieux, j’en suis conscient) :

1. Touch, en collaboration avec Paul Williams (piste N°7) : cette chanson me rappelle beaucoup Bohemian Rhapsody de Queen.

2. Giorgio By Moroder (piste N°3) : qui débute par les mots d’un homme qui raconte ses rêves de musicien, qui partent d’une petite ville d’Allemagne, passent par des nuits à dormir dans la voiture et se terminent par la découverte de la puissance du clic.

3. Fragments Of Time, en collaboration avec Todd Edwards (piste N°11): cette chanson a un jeu de batterie, de cymbales et un rythme qui donne envie de vivre dans les années soixante-dix.

4. Within (piste N°4) : La chanson langoureuse de l’album. Le piano du début est juste magnifique.

5. Give Life Back To Music (piste N°1) : d’entrée de jeu, on comprend que cette fois on n’aura pas du tout ce à quoi on se serait attendu de la part de Daft Punk.

6. Get Lucky, en collaboration avec Pharrell Williams (piste N°8) : un dangereux air retro. Efficace !

7. Motherboard (piste N°10) : ici, on a laissé les instruments s’exprimer.

8. Doin’ It Right, en collaboration avec Panda Bear (piste N°12) : C’est le titre qui a le style le plus actuel. Très proche de notre Rythm & Blues contemporain. Et puis, il y a le Panda…

9. Instant Crush, en collaboration avec Julian Casablancas (piste N°5) : encore un bond d’une douce violence dans le passé…

10. Beyond (piste N°9) : au début, il y a cet orchestre symphonique qui te promet… Soudain, changement de rythme, sans transition. On passe à une cadence très jazzy, qui fait dodeliner de la tête.

Par René Jackson

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Commentaires

serge
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bem dis donc, il a un sacré gout ton paternel... Fred Mercury, Mbilia Bel, Dylan, Benson...

Ladji Sirabada
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bravo hooooo,

salami
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CLes plus ardents défenseurs de la démocratie disent que le peuple a toujours raison. Et que le peuple est souverain. Il n’en est pas forcément de même quand il s’agit de culture. Tout un chacun a ses goûts et ce qui plaît au premier ne passe pas forcément chez le deuxième. Ce qui fait que très souvent, je ne me fie pas à l’admiration béate dont font souvent preuve les foules vis-à-vis des artistes, quels qu’ils soient. Il en existe malgré tout qui font presque l’unanimité, comme Picasso, Steven Spielberg ou Pelé. Mais aussi, la béatitude manifeste du public vis-à-vis d’une œuvre se justifie parfois. Et dans ce cas, il est judicieux suivre le mouvement général. Ca réserve des surprises, comme celles que m’a réservées le dernier album de Daft Punk, Random Access Memories.