Quand on veut parler de politique, on nous répond que nous sommes trop jeunes, qu’on n’a pas encore tous les outils pour comprendre comment tourne le monde, surtout celui de la politique. J’ai beau arguer que je fais des études supérieures en Droit et Politique, on me répond invariablement que ce qu’on nous apprend sur les bancs et ce qui se passe dans la réalité sont deux choses aux antipodes l’une de l’autre. N’empêche. Muni de mon modeste outillage, de ma très petite expérience de la vie, j’ai observé, réfléchi et j’en suis arrivé à des conclusions. Certains me diront peut-être idéaliste, je leur répondrai simplement que ce sont les idéalistes qui font avancer le monde.
On accuse la France (et dans une certaine autre mesure les Etats-Unis, l’Angleterre, La Belgique et l’Espagne et d’autres) d’être à l’origine de tous les maux dont souffre l’Afrique. Ceux qui le disent ont quelque part raison, car ces Etats ont quand même ourdi quelques coups foireux en Afrique (je pense notamment à Patrice Emery Lumumba, froidement assassiné sous l’ordre de la CIA. J’y reviendrai). Mais la position que j’adopte au sujet de la responsabilité ou non de ces gens est claire: ce ne sont pas les occidentaux qui sont (tous les seuls) responsables du gâchis africain. Le problème principal de l’Afrique à mon sens, ce sont les africains eux-mêmes. Telle est ma thèse. Et j’ai des arguments pour la soutenir.
On nous a tout d’abord dit: « la traite négrière a été une véritable catastrophe pour la continent, emportant au loin tant de bras, des bras qui auraient pu être utiles au développement de notre continent et qui sont par contre allés enrichir le Blanc ». Mouais… Mais le commerce triangulaire a été aboli il y a plus de trois cents années. Ce qui veut dire qu’on a largement eu le temps de compenser ces pertes et on ne peut pas accuser cette traite d’être directement responsable de la situation actuelle. Et autre chose, ce ne sont pas les Blancs qui allaient dans l’hinterland chercher leurs futurs esclaves. Ils restaient sur les côtes et les autochtones crédules allaient capturer leurs propres frères pour les échanger contre quelques pincées de sel ou un morceau d’étoffe. Au Cameroun, le Roi Njoya du peuple Bamoun en avait fait l’une de ses activités. Malheureusement, cette facette de sa personnalité a quelque peu été occultée car dans nos livres d’histoire, il apparaît plutôt comme un inventeur d’écriture…
Ensuite on a accusé les colons d’être venus effectuer un pillage méthodique des richesses africaines, avilissant au passage une population locale vite dépassée. On a célébré en 2010 les cinquantenaires des indépendances des pays africains. Cette autre théorie, à mon avis, ne tient pas plus que l’autre. Cinquante années. C’est long cinquante ans, on peut en faire des choses, en cinquante ans. On peut citer à loisir les exemples de pays qui en quelques décennies sont partis des ruines pour devenir aujourd’hui des joyaux économiques.
Enfin, on nous parle aujourd’hui de néo-colonialisme. On veut nous faire comprendre que les mêmes Blancs utilisent maintenant des stratagèmes politiques et économiques pour soumettre les africains à leur dictat.
Un dicton dit chez nous : « c’est la banane qui avait accepté qu’on la mange toute crue. Allez un peu tenter le macabo et vous m’en direz des nouvelles » (pour ceux qui ne le savent pas, le macabo – qui est un féculent – mangé cru, provoque d’affreuses démangeaisons dans la bouche). De ce fait, si l’Afrique est devenue le souffre-douleur de la planète, elle ne peut s’en prendre qu’à ses propres fils. Ma mère, qui m’a inspiré ce billet, dernièrement en écoutant à la radio les arguments pathétiques du clan Gbagbo en Côte d’Ivoire, rétorqua: « Qu’est ce que ces gens-là racontent? Quand les jeunes prennent les charters pour aller vendre leurs voix et bourrer les urnes lors des élections ici, sont-ce les français qui les envoient? »
La Côte d’Ivoire est engagée dans une cabale anti-française, orchestrée de main de maître par Monsieur Laurent Gbagbo qui s’accroche au pouvoir et qui laisse en pâture à une population qui ne sait plus à quel saint se vouer les intérêts français en Côte d’Ivoire. Ouvrons les yeux: ce pays, même à moyen terme, est obligé de composer avec la France. Monsieur Gbagbo le sait mieux que quiconque. L’économie de ce pays est largement tributaire des entreprises françaises installées en Côte d’Ivoire et qui emploient des ivoiriens. Et les liens qu’entretient Monsieur Gbagbo avec la France sont bien plus étroits qu’il ne veut le faire croire: persécuté par le régime de Houphouët Boigny, où est-ce qu’il séjourne pendant son exil? En France. Ses amitiés dans les hautes sphères politiques françaises sont connues. Il se dit même qu’il est un éminent franc-maçon, une loge tout aussi éminemment française. Il y a quelques jours, pour se défendre, il engage deux avocats… français. L’un des deux étant réputé dans son propre pays comme défendant souvent des causes très peu glorieuses.
La vérité sur la situation africaine est simple: nos dirigeants en cherchant à avoir encore plus de pouvoir, se sont mis dans des situations qui font qu’ils se retrouvent le dos au mur, obligés de tout accepter pour sauver leur peau. Le deal qui leur est souvent proposé est celui-ci: « On t’aide à tenir le pouvoir et tu nous laisses faire nos petites affaires tranquillement ». Ce qui explique des paradoxes comme celui de la République Démocratique du Congo : le pays est insolemment riche en ressources naturelles, mais aussi honteusement pauvre sur le plan économique. Ses voisins (Angola, Ouganda, Rwanda) profitent allègrement de ces ressources pendant que le peuple congolais croupit dans la misère. Tout ceci parce qu’un homme cupide (Mobutu) a accepté d’exécuter un authentique patriote (Lumumba évoqué plus haut), fomenté un coup d’Etat et a tenu d’une main de fer pendant des décennies tout un peuple, l’abrutissant en lui faisant chanter ses louanges, tout en transférant des millions de dollars dans ses comptes quelque part en Europe, ceci en fermant les yeux sur ce qui se passait avec les minerais de son pays qu’il a laissé aux occidentaux le droit de gérer comme bon le leur semblait.
On a accusé le Quai d’Orsay d’être à l’origine de la tentative de meurtre sur Moussa Dadis Camara. Mais à qui appartenait la main qui a tiré sur lui ? Pas à un quelconque agent français, mais à son propre aide de camp ! Si les services français l’avaient engagé pour accomplir cette sale besogne, il demeurait en fin de compte le seul juge de l’acte qu’il allait commettre. Serait-ce la meilleure chose pour son pays ou en tirerait-t-il juste un avantage personnel ? Et ma foi, cela a été un acte salutaire, parce que aujourd’hui, on a un Chef d’Etat élu, civil de surcroît, en Guinée Conakry. Rien ne dit ce qui serait arrivé si ce mégalomane était resté à la tête de ce pays seulement quelques jours de plus.
Qu’on arrête de rejeter la responsabilité de nos malheurs sur les occidentaux. C’est tout à la fois lâche et déshonorant. Chacun se bat pour ses intérêts, c’est de bonne guerre. Quitte à raconter des chimères à son interlocuteur. Si celui-ci y croit, c’est encore mieux. Le problème est que lorsque le chinois ou le japonais ou même le russe vient négocier des contrats qui permettront à leurs entreprises de s’implanter chez nous, au lieu de réfléchir à ce que cela pourra apporter à nos économies, nous réfléchissons plutôt à ce qui ira dans nos comptes en banque personnels et nous sommes prêts à leur accorder des exonérations fiscales ou douanières du moment où nous avons nos dessous de table.
L’idée n’est pas de bouter dehors tout ce qui est ‘impérialiste’ d’un coup comme le préconise Monsieur Gbagbo. Beaucoup s’y sont aventuré et l’ont chèrement payé. Le cas le plus récent est celui du Zimbabwe où Monsieur Robert Mugabé, pour se maintenir au pouvoir, a joué sur la corde nationaliste, en enlevant toutes les fermes aux Blancs pour les remettre aux Noirs, qui ne savaient malheureusement pas comment les administrer. Le pays qui était le grenier officiel de l’Afrique australe est du jour au lendemain devenu celui de l’extrême pauvreté, où une seule baguette de pain s’achète à plusieurs millions de dollars locaux ! On peut procéder autrement, en posant des conditions inébranlables lors des négociations et qui vont dans le sens du bien être des populations, comme par exemple en exigeant des transferts de technologies comme d’autres le font.
Ce plaidoyer s’adresse tout autant aux gouvernants de nos pays qu’à nous-mêmes, citoyens. C’est vrai que c’est un peu difficile à digérer de savoir que les impôts que nous payons sont détournés, que la redevance audio-visuelle qui nous est extorquée va aider à préparer la soupe fade, insipide et propagandiste qu’on nous sert chaque jour dans nos chaînes de télévision étatiques. Malgré cela, oeuvrons chacun à notre niveau à rendre nos vies meilleures. En jetant par exemple les ordures dans les bacs prévus à cet effet et non à même le sol, près desdits bacs. Vous n’y pensez pas, mais c’est un début…
Pour conclure, je dirai que ma conviction est que le changement en Afrique ne proviendra ni de Bretton Woods, ni de L’Elysée, ni de la Maison Blanche, ni même du Kremlin ou de l’Empire du milieu. Nous, africains, sommes seuls responsables de l’Afrique et de son devenir. Cessons d’accuser les autres de nos malheurs et prenons nos responsabilités en mains.
Par René Jackson
Source image: kobason.spaces.live.com
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