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Il existe aussi une politique de quotas dans le football camerounais

 

Les Lions Indomptables du Cameroun à l'entrainement

 

Le site Mediapart a lâché jeudi dernier une bombe dont l’onde de choc ébranle l’institution du football en France. Il révèle, qu’en octobre dernier, des hauts responsables du football français, parmi lesquels le sélectionneur national Laurent Blanc, auraient tenu une réunion dont le sujet  était l’instauration de ratios joueurs français de souche/binationaux dans les académies de football. Le tollé est général. Toutes les forces vives du pays de Platini sont montées au créneau pour dénoncer cette machination. Laurent Blanc s’est excusé (tout en soulignant que ses propos ont été sortis de leur contexte) et le Directeur Technique National a été suspendu. A l’analyse, les quotas existent dans bien des domaines de l’activité humaine en général et dans le football en particulier. De toutes les façons, la politique des quotas a déjà fait son bout de chemin dans le football au Cameroun. Le raisonnement qui suit semblera un peu tiré par les cheveux, mais c’est une variante qui permet de saisir ce sujet d’une autre manière.

 

Le 13 juillet 1998 fut une date funeste pour l’ensemble des amateurs de sport au Cameroun. Ce jour-là (après le 26 juin 2003, où Marc-Vivien Foé mourut foudroyé par une crise cardiaque en pleine demi-finale de la Coupe des Confédérations au Stade Gerland de Lyon en France) était le plus sombre dans les mémoires sportives au Cameroun : l’équipe de France avait remporté sa première Coupe du Monde. On avait, dans les rues et même dans les médias, déploré ce triomphe (pour l’anecdote, l’une de mes cousines m’avait raconté comment ce soir-là, mon oncle – son père, mis hors de lui par cette performance française, avait envoyé tout le monde au lit dès le coup de sifflet final et n’avait adressé à personne la parole pendant les deux jours qui ont suivi). Il faut dire qu’en dehors d’une antipathie quelque peu viscérale que la grande majorité des camerounais entretient à l’encontre du pays des anciens colons mandataires, les compatriotes de Samuel Eto’o ont tenu les français pour directement responsables des injustices flagrantes dont avait été victime nos chers Lions Indomptables pendant cette coupe du monde (pour rappel, lors du troisième match de poule contre le Chili par exemple, Omam Biyik, qui avait marqué  sur corner avait vu ce but honteusement refusé pour… hors-jeu. Ce qui est techniquement impossible. Il s’en est suivi deux jours pendant lesquels certains camerounais défoulèrent leur frustration sur tout ce qu’ils croisaient de Blanc-sans jeu de mots). Mais par la suite, comme pour se consoler, les mêmes camerounais se gaussèrent de cette France soudainement Black-Blanc-Beur qui n’aurait jamais remporté le moindre trophée sans les valeureux fils d’esclaves qui composaient son équipe. Les railleries allaient bon train. Certaines phrases devinrent cultes : « Le meilleur joueur de l’équipe de France est un algérien (Zidane) ». Celle qui me fit personnellement marrer est cette boutade lancée par un homme quand il apprit que l’équipe nationale de football du Cameroun allait livrer un match amical contre les Bleus en octobre 2000 : « Les Lions vont jouer contre la France ? Eh ben, ce sera un match amical entre le Cameroun et le reste du Monde ». Quelqu’un dans l’assistance lui demanda comment cela était possible. « Dans l’équipe du Cameroun, il y a des camerounais. Dans l’équipe de France, il y a des français, des Ghanéens des Algériens, des Basques, des Guadeloupéens, des Réunionnais et j’en passe ». Et il ajouta, perfide : « savez-vous que le meilleur joueur de foot français de tous les temps est en fait… un italien ? »

 

Pour en revenir à notre sujet, il existe aussi une définition -tacite il est vrai, mais bel et bien réelle- de la distribution par quotas de la manne footballistique au Cameroun.

Dans les années 1970, 1980 et même 1990, le critère de sélection des joueurs de football camerounais était la « têtutesse ». Je m’explique : l’environnement qui prévalait à cette époque obligeait tout aspirant footballeur à mener une véritable épreuve de nerfs et de force contre les autres membres de sa famille, surtout contre le père. Le football était considéré (malgré toute la fierté qu’elle conférait au Camerounais) comme une profession de ratés. Pour de nombreuses personnes, le salut résidait en l’assiduité sur les bancs scolaires. Les gars qui jouaient au foot pendant ces années-là étaient de véritables forcats qui pour beaucoup avaient dû fuir le giron familial pour vivre leur passion. Il se trouve donc que, de par les différences culturelles, l’équipe fanion du Cameroun était composée essentiellement de jeunes gens issus de trois tribus bien précises : Bassa, Beti et Douala. Les originaires des deux premières ont la réputation d’être particulièrement contestataires et revendicatifs ; ceux de la troisième sont reconnus comme ceux qui ont donné aux Lions Indomptables du Cameroun la classe dans le jeu dont l’équipe jouissait. Les jeunes gens originaires d’autres ethnies, dans lesquelles le respect droit d’aînesse était incontournable, se soumettaient docilement (ou lâchement, c’est selon) aux désidératas de leurs parents. Mais depuis, cela a changé.

Car au détour des années 2000, où le football a commencé à être la formidable machine à brasser l’argent qu’elle est devenue, il y a eu une subite prise de conscience. Tout parent, dont le (ou les) rejeton(s) fait (ou font) preuve d’une once de talent est prêt à se damner pour faire rentrer ce (ou ces) génie(s) dans le sérail footballistique. Et à ce moment-là est apparue la deuxième forme de définition des quotas : les moyens financiers. Ceci peut être entendu sous trois dimensions :

La première concerne les centres de formation de football. Avant le début des années 2000, les jeunes étaient recrutés pour un pécule dans ces académies. La seule chose que l’on extorquait aux parents (puisque c’était le plus souvent contre leur gré) c’était leur signature sur les documents d’autorisation parentale. Je vais prendre un exemple parlant : celui de la Kadji Sport Academies (KSA) qui est l’une des références dans la formation des jeunes sportifs au Cameroun. La maman d’un joueur évoluant actuellement au Lille Olympique Sporting Club du championnat d’élite de la France racontait à la mienne, dont elle est bonne amie, que les seuls frais qu’elle avait déboursés lorsque son fils était à la KSA étaient les 2 500 francs qu’il fallait pour acheter des timbres. Aujourd’hui, à la même KSA, les frais de formation s’élèvent à bien plus de 2 millions de francs l’année !

La deuxième se rapporte à l’achat de sélections. Entre 2002 et 2006, il était clair, à l’observation de l’évolution de certains joueurs dans l’équipe nationale de football du Cameroun, que ces derniers n’avaient pas le bagage sportif pour être là. On a vécu à maintes reprises des mini scandales qui faisaient qu’un joueur adoubé de par le monde était mis de côté pour un mec sorti de nulle part et qui disparaissait aussi vite qu’il était apparu. L’équipe nationale du Cameroun était devenu un objet de prestige. Le revers de la médaille étant qu’un joueur qui faisait partie de la sélection voyait se côte augmenter chez les recruteurs. Et comme dans le contexte de corruption permettait qu’on vende tout, même les places en sélection, certains en ont profité. Cela restait malgré tout dans le domaine des vues de l’esprit, jusqu’au jour où un talentueux joueur camerounais, tout énervé contre ses non sélections, malgré son talent reconnu, déclara un jour qu’il se fit répondre : « tu veux être sélectionné, soit. Mais tu as déjà donné quoi (comme argent, ndlr) à qui ? »

Troisièmement, pour être « protégé » dans sa carrière de footeux, un gros investissement est à prévoir pour les visites qui seront désormais récurrentes chez les sorciers et autres marabouts qui dans les cas  de footballeurs vendent leurs décoctions à prix d’or. Dans l’esprit décidément mal tourné des camerounais, les sœurs et mères de footballeurs ne sont rien d

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Auteur·e

ntrjack