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Ces dames qui donnent la leçon à tout un pays

Crédit photo: DasWortgewand, Licence: Creative Commons Deed CC0
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L’équipe nationale féminine du Cameroun (les Lionnes indomptables) s’est brillamment qualifiée ce mercredi dans la soirée du 22 octobre pour la finale de la Coupe d’Afrique des Nations, en venant à bout d’une non moins valeureuse équipe de Côte d’Ivoire sur un score serré de deux buts à un. Les prouesses de ces jeunes femmes sont en  train de donner une véritable leçon à tout un tas de monde au Cameroun. Malheureusement, comme toujours, tout se passe comme si rien ne se passait. Il y a clairement des personnes et des institutions qui devraient avoir honte quand ces filles démontrent autant de volonté et d’abnégation malgré les conditions dans lesquelles elles travaillent pour obtenir de si bons résultats.

Le ministère des Sports : qui, lorsqu’il s’agit de l’équipe nationale de football messieurs, ne se gêne as pour venir mettre le souk partout. C’est ce ministère qui gère les primes des joueurs, qui désigne l’entraîneur. Encore dernièrement, le ministre des Sports himself signait un arrêté pour choisir à la place du coach le capitaine de l’équipe nationale de football, messieurs ! Le credo de ce cher ministère est habituellement : il n’y a pas de sport mineur au Cameroun. La belle blague ! Sauf qu’en dehors des Lions indomptables A, il (ce ministère) est aussi agité qu’un macchabée quand il est question des autres sélections nationales de foot (il y en a une bonne huitaine). Le ministère devient tout bonnement catatonique quand il s’agit des autres sports.

La fédération camerounaise de football : l’électrocardiogramme de cette association s’affole quand s’approche la Coupe du monde (et je le précise encore) messieurs. Je parle de cette compétition lors de laquelle notre sélection a été magnifique et exemplaire en juin dernier. Ce club quasi ésotérique n’est rien de moins que la plus grosse mafia de ce pays (tout comme la FIFA est la plus grosse mafia au niveau global). On ne sait jamais ce qui s’y passe. On ne comprend jamais comment ce machin fonctionne. Il y a quelques semaines, on apprenait qu’un fax de la FIFA envoyé en avril dernier avait tout simplement été dissimulé par l’un des responsables qui avait peur, si son contenu était dévoilé, de ne pas participer à la grosse pantalonnade de la Coupe du monde qui devait avoir lieu quelques semaines après. Les Lionnes sont en finale. Et pendant la demi-finale contre les Ivoiriennes, le compte sur Twitter de la FECAFOOT est resté étrangement muet.

Les Lions indomptables de football A : on vous a bien vus quand vous faisiez les starlettes effarouchées en juin dernier. Le monde entier a été témoin du chantage grossier auquel vous nous avez soumis. Vous nous avez démontré qu’on est dans un pays où les manifestations publiques sont interdites de fait et qu’on pouvait malgré tout faire grève, en se calfeutrant dans le confort douillet de l’un des plus grands hôtels de la capitale. « Pas d’argent, pas de Coupe du monde » aviez-vous dit. Oui, je m’adresse à vous les vingt-trois mecs qui avez été le symbole de la gabegie qui pilote ce pays. Vous réclamiez soixante millions de francs chacun et rubis sur l’ongle dans un pays où des écoliers manquent de tables-bancs. Vous les avez eus. Vous êtes allés au Brésil. Vous vous êtes lamentablement vautrés. Et vous nous avez fait un doigt d’honneur. Merci. La prime d’un seul d’entre vous suffit largement à payer celles de toutes les joueuses de cette équipe nationale féminine qui se retrouve en finale d’une CAN sans avoir rien perçu. Même pas un kopek ! Ces demoiselles vous ont prouvé à vous, tous autant que vous êtes, que représenter dignement son pays n’est absolument pas proportionnel à l’importance des sommes qu’on a dans son compte bancaire.

La CRTV Télé : l’office national de télévision du Cameroun diffusera sans doute la finale de la CAN féminine samedi contre le Nigeria. Et ses commentateurs ne se priveront pas de cet habituel aplaventrisme totalement hors de propos, qui est leur trait de caractère premier, qui se manifestera par cette phrase : « Merci au président Paul Biya qui a permis que cette rencontre soit diffusée en direct à la TV et blablabla… » Messieurs et mesdames, vous n’avez pas à aller cirer les pompes au président de la République parce que ce que vous faites, ce n’est pas pour ses beaux yeux, mais par devoir vis-à-vis de l’ensemble des Camerounais. Mercredi soir, on s’attendait à regarder la demi-finale de la CAN féminine, on a plutôt eu droit aux discours d’un ministre.

Orange : c’est bizarre, on ne vous entend pas, vous les autoproclamés « supporter numéro un du football camerounais ». Vous qui envoyez vos marketistes jouer les consultants sportifs sur les plateaux de télévision nationale à la place des vrais techniciens du football qui pourtant ne sont pas une denrée rare chez nous. Vous qui prenez en hold-up les yeux des téléspectateurs que nous sommes chaque fois que les Lions indomptables (A et messieurs) foulent un terrain de foot quelque part dans le monde. L’avant-match, la mi-temps et l’après-match sont inondés par vos annonces et par votre présence qui n’aide en rien à comprendre l’évènement. Vous qui entassez de l’orange et du noir dans des proportions totalement ahurissantes sur le plateau de la télé, en reléguant le vert-rouge-jaune au rang de simple élément du décor. Les Lionnes participent à la CAN et c’est un non-évènement pour vous. Vous avez l’habitude de m’abrutir de SMS quand les messieurs jouent. Et quand ce sont les dames, votre silence est interstellaire.

Les Lionnes de remporteront peut-être pas la finale samedi. Elles seront opposées à des Nigérianes qui prennent un vicieux plaisir à leur filer de véritables raclées chaque fois qu’elles se croisent. Ces Lionnes produisent néanmoins régulièrement des résultats plus qu’honorables, mais personne ne les prend jamais au sérieux. Leur combat est le même que celui des basketteurs, des handballeurs, des cyclistes, des athlètes, des boxeurs ; de tous ces sportifs qui méritent amplement la reconnaissance de leur pays mais qui sont tout le temps en train de tirer le diable par la queue.

Elles sont qualifiées pour la prochaine Coupe du monde féminine qui aura lieu l’an prochain au Canada. La Namibie n’est pas une destination glamour, mais le Canada l’est. Et à ce moment-là, on verra sortir du bois ces loups qui sont silencieux aujourd’hui, qui iront les encombrer inutilement pendant le Mondial et qui retourneront se tapir dans l’ombre une fois que ce sera terminé.

En attendant la prochaine occasion.

Par René Jackson

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Auteur·e

ntrjack

Commentaires

mareklloyd
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Bien l'Article.. Je ne savais même pas que se déroulait la CAn féminine