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Cameroun: le souci du détail.

Boisson en sachet de 20 centilitres

Depuis presqu’une année, une épidémie de choléra sévit au Cameroun. Elle avait débuté au nord du pays et on soupçonnait qu’elle soit venue du Nigeria voisin. Elle a depuis gagné la partie méridionale du pays a déjà fait près de 750 morts en quelque dix mois. Après une période d’intense activité de six mois, elle (l’épidémie) s’est calmée mais depuis quelques semaines, elle reprend du poil de la bête. Le choléra est une infection bactérienne intestinale aigüe causée par le vibrio cholerae. Le parasite pénètre dans le corps par voie orale suite à l’ingestion d’aliments contaminés. Très tôt, les autorités sanitaires ont pointé d’un doigt accusateur les eaux en sachet qui font véritablement fureur dans nos villes et qui servent à  étancher quotidiennement la soif de nombreux camerounais. En conséquence, leur vente a été purement et simplement interdite dans la Capitale Yaoundé. Ce commerce au détail, phénomène pas très ancien, a rapidement étendu ses tentacules sur une immense variété de produits. Même les plus hétéroclites. Ce qui n’est pas sans causer certains soucis. Petit tour d’horizon.

 

 

Un enfant cosommant de l'eau en sachet

Elles s’appellent Semme, Sawawa, Soif, Eau Douce, Bonheur… Elles, ce sont quelques unes des marques d’eau vendues en détail dans des conditionnements en sachets de 50 cl et qui pullulent dans les rues et les boutiques à Douala. Jusqu’à tout récemment, elles étaient commercialisées en toute quiétude par des opérateurs de tous bords. Et les gens les consommaient allègrement. Mais depuis que l’épidémie de choléra dont il est question plus haut fait de plus en plus de victimes, la vente d’eau ensachée est peu à peu entrée dans la clandestinité, car beaucoup lui attribuent la résurgence de cette pathologie. Une enquête a été menée et il s’avère que de nombreuses marques conditionnent leurs eaux dans des locaux vraiment insalubres. Des tests en laboratoire ont dévoilé que le contenu était très souvent différent de ce qui est mentionné sur les emballages et quelques fois hautement toxique. De plus, certaines de ces eaux se disent « minérales ». Ceci est sujet à caution car on sait que la seule source d’eau minérale au Cameroun est exploitée par une entreprise qui jouit d’une très grande notoriété et qui exploite cette source  depuis plusieurs dizaines d’années. Certains autres promoteurs expliquent plutôt que leur eau est puisée dans des nappes phréatiques souterraines auxquelles ils accès en creusant des forages. L’expression eau de forage est ici chez synonyme d’eau évacuée de tout soupçon d’impureté. Il faut dire que les forages ont pris le relais quand l’eau fournie par la société en charge de sa fourniture  a commencé à servir une eau qui changeait de couleur presque tous les jours et dont la saveur a petit-à-petit viré vers le salé. Et encore aujourd’hui, certains préfèrent encore cette eau en sachet à l’eau « qui sort du mur ».

 

Whisky en sachets

Cette tendance à la miniaturisation a été enclenchée il y a près d’une quinzaine d’années et est imputable à la dévaluation du franc CFA qui a divisé le pouvoir d’achat des camerounais par deux. Les prix des denrées sont passées du jour au lendemain du simple au double, avec toutes les conséquences que l’on sait. La première société camerounaise qui rapetissa la taille du conditionnement de ses produits fut la Fermencam, une entreprise qui exerçait (et exerce encore) dans le domaine des spiritueux. Les diverses marques de whisky qu’elle avait l’habitude de commercialiser dans des bouteilles d’un à trois litres se sont retrouvées dans des sachets de 5 centilitres. Le produit qui était vendu en bouteilles à partir de 3 500 francs (5.30 euros) se  liquident désormais à 100 francs (0.15 euros)  le sachet. De quoi le rendre accessible à  toutes les bourses. D’autres opérateurs du secteur lui ont emboîté le pas et aujourd’hui le marché est submergé par des dizaines d’enseignes qui font le bonheur de nombre de camerounais.

Mais comme de coutume, l’expansion de ce type de produits ne s’est pas accompagnée du contrôle pointu de la qualité qui doit nécessairement suivre, car la majorité de ces whiskys vendus en sachet sont frelatés. Ou tout du moins ont un goût à faire vomir. Et ceci soulève un véritable souci de santé publique pour deux choses: la qualité des produits comme évoqué, mais aussi la modicité du prix auquel ces produits sont mis à la disposition des consommateurs.  Toxiques et facilement accessibles, un même individu peut en boire plusieurs sachets en une seule journée. Et ainsi se tuer plus rapidement. Nul doute que s’il avait été question d’une bouteille achetée à plusieurs milliers de francs, on réfléchirait à trois fois avant de se l’envoyer cul-sec! En outre, il n’est pas rare de croiser dans la ville de Douala un conducteur de moto ou d’auto avec l’un de ces sachets en bouche en pleine circulation! Ce qui déporte le danger sur la route avec les risques d’accidents liés à l’état d’ébriété des automobilistes.

 

Un paquet de cigarettes au Cameroun

L’un des chevaux de bataille du gouvernement camerounais dans le domaine de la santé publique est la lutte contre le tabagisme. Cette lutte est ardue entre autres à cause de la contrebande des cigarettes. Elle devient encore plus compliquée quand on sait que la vente des bâtonnets de nicotine se fait aussi à l’unité. Cela signifie que quelqu’un qui a envie d’une cigarette peut s’acheter UNE cigarette, c’est-à-dire un bâton de cigarette, à un prix qui varie entre 15 et 50 francs (0.02 et 0.07  euro), et non tout un paquet. Contrairement aux pays occidentaux où la vente de tabac est réservée à des personnes ayant une licence leur permettant de vendre les cigarettes (les buralistes), la vente de tabac ici est accessible à tout un chacun, du moment où on dispose de suffisamment de fonds pour acheter un ou deux paquets de cigarettes et un briquet. Par voie de conséquence, un fumeur, même invétéré peut ne jamais avoir vu le message de sensibilisation qui est mentionné sur les paquets de cigarette!

On dénombre donc une foultitude de denrées vendues au détail. Ca part du détergent au sel de cuisine en passant par les sodas. Ici, on peut acheter une tige de céleri, quelques grammes de riz, un piment, quelques graines de maïs ou  quelques centilitres d’huile de palme. Ceci dit, la vente au détail de certains produits représente une véritable bouffée d’air pour les ménages au vu de la conjoncture actuelle. Il est certain que beaucoup foyers ne parviendraient jamais à joindre les deux bouts si cette vente très au détail n’existait pas. Mais il est d’avis que seuls des produits de première nécessité devraient entrer dans le cadre de cette vente au « rabais » et que malgré tout, la qualité des produits et la santé et la sécurité des consommateurs doivent être les objectifs poursuivis par chacun des acteurs de ce secteur.

 

Par René Jackson

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