J’écoutais la session d’information d’une radio de proximité il y a quelques temps quand un fait divers assez cocasse fut relaté. Il y avait eu une bagarre entre deux amis, parce que le premier avait essayé de faire du charme au second. Ce dernier, mis hors de lui par cette situation, avait entrepris de passer son compère à tabac. N’eût été l’intervention du voisinage, il jure, selon ses propres termes, qu’il l’aurait tué. Il faisait partie de ceux (encore très nombreux au Cameroun) qui ne tolèrent pas l’homosexualité. Et je peux vous promettre que pour un homme c’est une expérience très perturbante de se faire courtiser par un autre homme. Je sais de quoi je parle. Je le sais parce que j’en ai été moi-même victime. Victime?
L’histoire des deux amis débute quand le premier, arrivé à Douala, se rappelle que le second y réside et décide de passer la nuit chez lui (c’est la victime de l’agression qui donne ainsi sa version des faits).
Quand mon ami est arrivé chez moi, je lui ai offert un seau d’eau pour qu’il puisse se baigner. Puis, on a acheté à manger et vers 23 heures, nous nous sommes couchés dans mon lit. Quelques temps plus tard, je sens sa main se poser sur ma cuisse. Je me dis que dans son sommeil, il a dû s’oublier. J’enlève sa main mais je suis surpris que quelques minutes après, cette même main se repose sur moi avec une intensité qui me fait comprendre que ce n’est pas un geste involontaire. Plus grave encore, la main remonte mes cuisses jusqu’à mon caleçon. Quand je veux savoir ce qui se passe, il me demande si je ne sais pas que je suis séduisant. Mon sang n’a fait qu’un tour.
L’homosexualité n’est pas encore rentrée dans les moeurs des camerounais. Pour leur écrasante majorité, c’est une terrible déviance qui est difficile à accepter. Pour la plupart elle est inhérente à la proximité dont les personnes qui en souffrent ont avec l’occident. De plus, cette pratique est interdite au Cameroun et est sévèrement punie par la loi. Du moins, les quelques malchanceux qui sont appréhendés écopent. Mais il n’existe pas une persécution à grande échelle comme dans certains pays puritains et les homosexuels vivent quelque peu tranquillement leur statut chez nous. La preuve, le plus célèbre d’entre eux, qu’on appelait affectueusement Tata André, l’affichait dans toutes les circonstances par sa gestuelle, par ses mimiques et par son accoutrement, tous féminins. Même comme, paraît-il, quelques temps avant de nous quitter, il regretta d’être passé de l’autre côté.
Mais ce bonhomme – ou bonne femme pour être plus juste – avant de mourir en 2006 ouvrit une boîte de pandore avec ce qu’on appela à l’époque l’affaire du Top 50, en divulguant une liste diffusée par une certaine presse à sensation sur laquelle étaient sensés être mentionnés les noms des hauts commis de l’Etat, des acteurs de la vie économique, politique et sociale du Cameroun avec lesquels il aurait eu des relations homosexuelles. Cette affaire fit grand bruit, mais fut d’une portée limitée: aucun des listés ne fut poursuivi, la presse camerounaise se mit encore plus en difficulté, enlevant le peu d’estime et de crédibilité dont elle jouissait encore auprès autorités. Mais le plus gros dégât que cette histoire causa se situe au niveau de la conscience collective. Auparavant au Cameroun, la réussite sociale était forcément liée aux relations que l’on pouvait avoir avec les cadres supérieurs (tribalisme, favoritisme, népotisme et parfois clientélisme…) Aujourd’hui, quand tu vis de façon aisée, on t’a immanquablement « cassé le derrière » ou à l’inverse, quand tu es un responsable, on te surnomme simplement Top 50 ou casseur (de derrière, sic).
Je suis plutôt gêné par tout cela. Car les pratiques sexuelles de tout un chacun (l’homosexualité comprise) sont dans la sphère de la vie privée. Ce qui fait que je n’ai pas été d’accord avec ces journalistes qui ont livré des noms à la vindicte populaire. Que ces gens fassent l’amour avec qui ils veulent, je ne vois pas quel est notre problème là-dedans. Et puis, le fait pour un employeur d’obtenir des faveurs sodomiques de la part d’employés ou d’éventuels demandeurs d’emplois n’est qu’un abus d’autorité, comme les gens en sont tout le temps victimes ici (les militaires et policiers qui profitent du fait qu’ils sont en tenue pour emprunter gratis les transports en commun, sont en situation d’abus d’autorité). Et moi personnellement, voir deux gays ou lesbiennes qui s’embrassent me choque mais pas plus que ça. En revanche je sais que, comme l’ami précédemment cité, je ne supporterais pas d’être dragué par un homme.
Je le sais parce que j’ai déjà vécu cette désagréable expérience il y a quelques années. Invité à une fête de famille, je me suis fait draguer pendant presque toute la soirée par un autre invité. En plus du malaise de me retrouver dans le rôle de la proie (car d’habitude, c’est moi qui joue au prédateur auprès des jeunes demoiselles, quoiqu’ayant malgré tout été quelquefois agréablement pris d’assaut par des nymphettes énamourées) je me suis retrouvé dans la confusion totale lorsque que j’ai appris que c’était en fait un homme de Dieu qui me suivait partout dans la salle de banquet. Jamais, au cours de ma courte vie, je n’eus autant peur que lorsque seuls dans sa voiture à 2 heures du matin, il se gara près de ce bosquet dans un coin perdu d’une ville que je ne connaissais pas. Quand il me dit qu’il me trouvait mignon… Bon Dieu, ce malotru faillit me faire perdre ma Foi! Après l’effroi, je me suis mis en colère contre moi-même pour n’avoir pas usé de mon uppercut au bon moment. Hé! Mais ne vous inquiétez pas. Il ne s’est rien passé du tout. Il a dû percevoir toute mon animosité et s’est limité à me caresser la main.
Ceci dit, des fois, je me demande si je suis homophobe ou pas.
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Chers lecteurs, l’intitulé de ce billet est, en dehors de son contenu, une référence au fait que ceci est le cinquantième article que je publie sur ce blog. J’en profite donc pour m’adresser à moi-même des félicitations (a tout seigneur, tout honneur) et surtout pour une fois de plus vous remercier vous, lecteurs occasionnels et réguliers (et je sais qu’il en a beaucoup). Je reçois une flopée de commentaires, d’appels et de mails de certains avec lesquels je discute de mes publications. D’autres me contactent juste pour m’adresser encouragements et félicitations. D’autres encore me fileraient bien une volée de bois vert s’ils en avaient l’occasion. C’est un peu le but du jeu et ça m’encourage.
Je vous adresse encore une fois mes humbles et sincères remerciements.
Par René Jackson
Source image: examiner.com
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