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Super Bowl américain, amertumes camerounaises

superbowl 2013
Des avions survolant le Mercedes Benz Superdome, Nouvelle-Orléans, Super Bowl 2013

Il y a une semaine, j’étais à la Nouvelles-Orléans. Oui, j’y étais et j’ai assisté pour la première fois à la finale du championnat de football américain, au fameux Super Bowl. J’ai vu un stade plein à craquer. J’ai vu un enthousiasme presque sans limite. Mes yeux ont été émerveillés par le spectacle pyrotechnique, les feux d’artifice de toutes les couleurs. J’ai vu Alicia Keys interpréter au piano l’hymne national américain. J’ai entendu tout un stade entonner ce chant de ralliement d’une seule voix. J’ai vu avec émotion la bannière étoilée flotter fièrement dans l’air chargé de doux relents du bayou. J’ai regardé Beyoncé faire ce qu’elle sait le mieux faire : chanter et se trémousser. J’ai vu une vingtaine de gaillards protégés comme des cosmonautes se rentrer mutuellement dedans, dans l’un des sports les plus violents qu’il m’ait été donné d’assister. J’ai aussi vécu l’impensable : une coupure de courant de trente minutes en plein Super Bowl ! Mais pour quelqu’un comme moi, le plus étrange est que cette coupure n’ait duré que trente petites minutes. Quand on est là-bas au pays, il suffit qu’un transformateur rende l’âme et c’est parti pour des jours entiers sans électricité. J’ai vécu 4 heures d’un show à l’américaine. Quand ce fut fini au petit matin, j’ai éteint le téléviseur et je suis allé me coucher. Le cœur lourd.

 

Le cœur lourd parce qu’après avoir vécu un spectacle pareil, tu es bien forcé de te poser des questions. Des questions aux réponses que tu sais d’ores et déjà malheureuses. Nous n’avons pas – plus – d’équivalent du Super Bowl au Cameroun. Nous n’avons plus cette manifestation sportive qui suscite l’intérêt et même l’excitation du public. Ce qui n’était pas le cas auparavant.

Car auparavant, il y avait deux évènements sportifs qui se disputaient la première place : l’ascension du Mont Cameroun et la finale de la coupe du Cameroun de football. L’ascension du Mont Cameroun, le plus haut sommet du pays (4070 mètres) était un évènement majeur qui voyait la participation d’athlètes provenant de divers pays et continents. Il avait lieu chaque année, habituellement au début du mois de février. Les choses ont commencé à se gâter quand des nouvelles assez inquiétantes parvenaient de Buéa (la ville hôte de la compétition), faisant état de non paiement de primes de participation, de non assistance à des coureurs en détresse, le tout sous-tendu par le détournement des fonds alloués par les mécènes et sponsors. Ce qui entraîna l’interruption de la course pendant quelques années. Les choses ont repris, mais l’intérêt de la chose s’est clairement émoussé.

La coupe du Cameroun a une histoire bien plus affligeante car, plus que l’ascension du Char des Dieux, elle est la manifestation la plus aboutie de l’échec de la politique sportive au Cameroun. Dans la conscience collective, la finale de la coupe du Cameroun est l’acte majeur de la vie sportive du pays. C’est l’évènement qui est sensé clore la saison sportive, non seulement du football, mais de dizaines d’autres disciplines.

La finale de la coupe du Cameroun de football ne sera jamais comparable au Super Bowl. Pour une simple raison d’organisation. Peut-on seulement imaginer une que la date du Super Bowl soit laissée à la seule discrétion de Barack Obama ? Même pas une seconde ! Il existe une bizarrerie au Cameroun qui fait que ce soit la Fédération Camerounaise de Football qui organise toutes les compétitions de football, y compris la coupe ; mais que ce soit la Présidence de la République qui décide de la date à laquelle doit se tenir la finale ! Et ne vous méprenez pas, cela est inscrit dans les textes mêmes de la Fécafoot. Qui imaginerait aller doter sa femme, en offrant vin, pitance et bêtes à tous les membres du clan de la belle, en se faisant racketter par sa future belle-famille ; l’épouser à la mairie en remplissant les bas de laine de l’officier d’état civil et en nourrissant une autre flopée de gens, pour que la nuit de noces, un autre individu vous dicte les positions que vous allez adopter pour jouir des charmes de votre nouvelle femme acquise à prix d’or ? Personne.

Personne, sauf la Fécafoot. Et depuis plus d’une dizaine d’années, on assiste à un feuilleton qui ne cesse de discréditer un peu plus à chaque fois notre Super Bowl local. Il y a deux ans, une vive polémique a vu le jour. On connaissait les finalistes de la coupe depuis le mois d’août. Nous avions déjà largement entamé le mois de décembre et personne ne savait quand est-ce que cette foutue finale se tiendrait. La Fécafoot nous a expliqué que selon ses propres textes, l’ordre devait venir du sommet de l’Etat. Au sommet de l’Etat, on a renvoyé la balle dans le camp de la Fécafoot en arguant la non diligence de la Fédération et le fait que « le calendrier du Président de la République se prépare un an à l’avance ». Soit. Moi j’ai juste une question : dans les arcanes du haut-lieu, ne sait-on pas que les demi-finales de la Coupe du Cameroun se jouent habituellement au mois d’août ?

Au lieu de ça, on nous sort la date moins de trois jours avant ledit match. Et le Chef dont on attendait l’aval (et donc la présence) s’est fait représenter par son premier ministre (lequel d’ailleurs croupit dans une cellule à Yaoundé depuis). Et là, tout l’absurde de la situation éclate aux yeux de tous. Pourquoi donc la Présidence ne publie pas une date bien à l’avance, tout en sachant que si le Roi Lion n’est pas là, il peut se faire représenter par l’un de ses nombreux soupirants ?

Et les gens, las d’attendre, se découragent. Beaucoup de ceux qui doivent participer au spectacle abandonnent. Ce qui donne le jour-J un spectacle qui se rapproche beaucoup plus du carnaval de Rio que de la cérémonie d’ouverture des jeux olympiques. Et comme on ne peut pas demander de l’argent aux gens pour assister à une daube pareille, l’entrée au Stade est gratuite pour tous. Et même jusque là, il n’arrive pas à se remplir. Mesdames, messieurs, le ticket d’entrée au Mercedes Benz Superdome de la Nouvelle-Orléans valait au bas mot mille quatre cents dollars US !

Coupe Cameroun Final
Cérémonie précédant une finale de la coupe du Cameroun, Stade Ahmadou Ahidjo, Yaoundé

Le Cameroun est un pays de sport. Je ris toujours quand on prononce cette phrase. Et ceci n’est pas seulement pour justifier mon embonpoint. Un pays de sport ça ne se résume pas aux discours. Un pays de sport, on le voit au succès de ses athlètes sur le plan international. Dans un pays de sport, on ne tente pas de bercer les gens avec le répétitif et lénifiant « la sérénité règne dans la tanière des Lions » quand tout le monde voit que ladite tanière va immanquablement exploser. Dans un pays de sport, on ne voit pas des joueurs de l’équipe nationale de football (qui pourtant dispose d’un équipementier en bonne et due forme) se faire déshabiller dans un aéroport parce qu’une autre équipe nationale de foot n’a pas de maillots.

Dans un pays de sport, on ne reste pas inertes quand on montre à la télé tous les malheurs auxquels fait face tous les jours une équipe nationale de basket-ball qui se « prépare » pour une compétition internationale. Une équipe nationale de basket dont le seul mérite revient au patriotisme de ses joueurs et de l’encadrement. Ils se sont fait chasser des terrains, s’entraînaient sans équipements, sans eau pour se désaltérer, totalement démunis.

Dans un pays de sport, les sportifs n’en sont pas réduits à aller demander l’asile ailleurs. Dans un pays de sport, on ne vit pas la peur au ventre, en se demandant combien de membres de la délégation ne vont pas prendre la clé des champs une fois de l’autre côté. Les sept camerounais qui ont disparu à Londres pendant les JO n’étaient que la partie visible d’un iceberg. Rares sont les sportifs camerounais qui reviennent au pays après en être sortis. En 2008 par exemple, plus de la moitié de l’équipe de foot de plage du Cameroun présente à la coupe du monde de la discipline s’était volatilisée.

Dans un pays de sport, on ne pousse pas à l’exil la seule athlète qui a évité au pays le zéro tout rond lors de deux olympiades consécutives. Dans un pays de sport, on n’en est pas réduits à compter sur d’autres tels que la France pour fournir le matériel et entraîner un camerounais qui accepte de représenter un pays qui semble l’ignorer au Jeux Olympiques, parce qu’il fait de l’aviron, au lieu de jouer au foot comme tout le monde.

Je ne veux pas prétendre qu’au Cameroun on doit avoir une manifestation qui égale le Super Bowl américain, mais au moins un minimum se doit d’être fait. Et avec ce qu’on observe chaque jour, l’impression est que de ce minimum, nous en sommes encore à des années-lumière. Le pire étant qu’on semble même être en pleine régression. Pendant le Burkina Faso se qualifiait pour sa première finale de la CAN, les Lions Indomptables, que dis-je, les Chats Erratiques du Cameroun se faisaient battre par la Tanzanie en amical. Ce qui a valu la une terrible d’un quotidien camerounais qui a titré en lettres capitales dès le lendemain : « MÊME LA TANZANIE ? » et un commentaire de l’un de mes amis : « on pensait être arrivés au fond du trou. Mais selon toute apparence, on continue encore de creuser ».

Par René Jackson

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Commentaires

Arthur
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je ne sais même pas quoi dire! l'incompétence des dirigeants camerounais me sidère. Ils n'aiment pas ce pays ou u quoi? Chaque jour, son problème. Quand est ce que ça va s'arrêter? Et puis dans le sport, il n'y a pas que le foot. Qu'on me donne une arme (un 9mm de préférence) ou le talent de Gerard Butler dans "Que justice soit faites", j'ai un boulot à faire ...

Paul joël
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Alors Jackson, toujours aussi inspiré à ce ke je vois. Parlez de l'équipe nationale de foot comme des chats, c'est ne pas avoir beaucoup de respect pour ........... ces animaux. Il paraît ke nous sommes 79e o classement FIFA, nous allons bientôt battre le record de la pire dégringolade en aussi peu de temps de l'histoire de ce classement. Toi ki est si bien informé, kel est la position la plus élevée du Kamer dans ce classement ? kand était-ce? Je pense ke le record GUINNESS nous tend les bras.