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Qu'ai-je retenu du 11 septembre 2001?

Un avion s'écrasant sur la tour WTC2

 

On célèbre ce week-end, comment dirait-on, le dixième anniversaire des attentats terroristes qui ont ébranlé l’Amérique et le monde, dans une certaine mesure. Que dire de plus que ce qui l’a déjà été? Pas grand chose. Mais une question s’insinue partout depuis quelques temps: que faisiez-vous le 11 septembre 2001? Beaucoup, à l’instar de celui-ci, ont essayé d’expliquer pourquoi les détails de cette journée restent gravés dans la mémoire de chacun. Ce serait mentir de dire que cette journée n’a pas été au moins particulière pour chacun de nous. Elle a suscité des réactions d’indignation dans le monde occidental ou occidentalisé et des scènes de liesse dans les régions hostiles aux Etats-Unis. Mais on peut se poser une autre question: où est ce que les évènements de cette journée funeste nous ont mené, dix ans après?

 

Pour l’histoire, cette journée-là s’annonçait pareille à toutes les autres. C’était la fin des vacances scolaires et je devais reprendre l’école dans les jours qui suivaient. J’étais dans la force de l’adolescence et je subissais de plein fouet ses troubles. L’année 2001 avait d’ailleurs été mauvaise pour moi, car pour la première fois de ma vie, je devais redoubler une classe. Il était un peu plus de 15 heures et je paressais dans mon lit, avec la radio en fond sonore. J’avais depuis bien des années déjà pris l’habitude d’écouter beaucoup de radio et à ce moment-là j’étais sur RFI. A 15 heures 20, l’émission qui était diffusée a brusquement été interrompue pour une édition spéciale du journal. J’ai eu un mauvais pressentiment. Quelque chose de grave devait sûrement être arrivé. Mais je ne m’imaginais pas à quel point. Le journaliste annonce de but en blanc: « un avion vient de s’écraser sur le World Trade Center à New-York! » A ce moment, je me dis « Oh! Là! Là! » Je ne me suis pas alarmé plus que ça. Mais quand j’entends quelques minutes après qu’un autre appareil s’est crashé sur une autre tour, là j’ai compris que c’était sérieux. Je saute du lit. Quand j’arrive au salon, ma soeur est indignée. « Les gens de CFITV-ci sont comment? Je suis en train de regarder mon feuilleton et ils coupent pour montrer le journal? » Elle est ensuite restée bouche bée quand elle a réalisé l’ampleur des évènements qui se déroulaient devant ses yeux. On voyait un avion entrer dans un immeuble voisin d’un autre déjà enfumé. On voyait des gens courir de partout, s’enfuir. Puis, on a vu l’une des tours s’effondrer, suivie de l’autre quelques temps après. On a vu des personnes stoïques, hébétées, blanchies par la poussière des bâtiments réduits en tas de gravats.

Puis, on a montré une autre bâtisse en feu, éventrée. Des témoins disent qu’ils ont vu un avion voler à très basse altitude sur Washington quelques minutes avant. Le bâtiment atteint n’est rien de moins que le Pentagone, le centre névralgique de la toute puissante armada militaire des Etats Unis d’Amérique! A ce moment-là, moi qui étais resté debout, j’ai senti mes genoux se dérober. Et c’est assis qu’un peu plus d’un quart d’heure après, on signale un autre crash d’avion, dans une zone inhabitée.

Avec cette succession d’images, on pouvait tout d’abord croire à un mauvais film. On change de chaîne et toutes les autres diffusent les mêmes scènes de désolation. Malgré ma relative jeunesse à l’époque, j’ai vite pris conscience que quelque chose d’extrêmement grave venait de se produire et surtout, j’avais la crainte que ce ne soit pas encore fini.

Le sentiment que j’ai eu à partir de cet instant là et pendant les semaines qui ont suivi étaient bien sûr de l’horreur, mais surtout un profond sentiment d’insécurité. On n’était plus en sécurité nulle part dans le monde, ces gens pouvaient frapper à n’importe quel moment. Si ce genre de choses arrivaient aux américains qui semblent être en permanence sur leurs gardes et qui disposent des moyens colossaux, cela pouvait arriver à n’importe qui, n’importe quand et n’importe où! Oui, ce jour là, j’ai découvert une autre facette du monde. Plus violente, plus belliqueuse et plus instable que je ne l’imaginais jusqu’alors.

Diverses théories se sont succédé depuis, comme la pernicieuse théorie du complot, qui veut attribuer notamment à la CIA la responsabilité des attentats (l’agence aurait posé des  bombes dans ces bâtiments). Je n’y crois pas. Moi et de millions d’autres personnes avons vu des avions s’encastrer dans des bâtiments qui se sont tassés sur eux-mêmes peu après.

Dans des discussions, beaucoup parmi nous ont fustigé le fait que nous, africains, nous émouvions de tels évènements, en rappelant avec force le génocide Rwandais, les diverses guerres qui ont secoué le Continent pendant les années qui ont précédé (Liberia, Sierra Leone, Congo, Angola) et qui avaient fait bien plus de morts que les futiles attentats du 11 septembre et au sujet desquels personne n’avait osé exprimer son opinion. Je suis d’accord, mais aucun autre évènement pareil n’avait jamais eu lieu. En dehors de cela, il faut prendre en compte l’endroit où cela se déroulait. Les Etats-Unis étaient attaqués à leur coeur. Une forteresse réputée imprenable venait de se faire ridiculiser par une vingtaine de fanatiques qui avaient utilisé ses moyens à elle-même (il faut rappeler que les quatre appareils utilisés comme bombes incendiaires appartenaient à des compagnies américaines) pour l’atteindre. Et en plus, si les conflits en Afrique sont bel et bien là, il faut reconnaître que nous suivions les attentats du 11 septembre dans les conditions du direct. Crûment, avec toute l’horreur et tout le chamboulement d’émotions que cela implique.

Et maintenant, lorsque nous nous apprêtons à commémorer ces tragiques évènements, à quel point en sommes nous? Tout ce qu’on peut dire avec certitude est que beaucoup de choses se sont passées pendant cette décade: la guerre en Afghanistan, l’invasion de l’Irak, les courriers à l’anthrax, la mort de Saddam Hussein, celle d’Oussama Ben Laden, de plein d’autres terroristes présumés, l’arrestation de certains, leur transfèrement vers la prison de Guantanamo. On peut aussi citer une prolifération inquiétante des attentats un peu partout dans le monde, une hostilité encore plus accentuée de certains à l’encontre des USA et des autres pays occidentaux, la création de multiples groupuscules islamistes terroristes ayant fait allégeance à Al Qaida (Aqmi, par exemple). On a l’impression que depuis ce fameux septembre 2001, les positions, tant occidentales qu’arabes se sont radicalisées. Les attentats cèdent la place aux représailles qui elles entraînent, d’autres attentats. Un cercle vicieux se forme inexorablement.

Désormais, les communautés sont suspicieuses les une envers les autres. Les musulmans sont atteints dans leur foi par des autodafés de corans. Ils sont accusés désormais d’être le mal de ce monde. Ils sont victimes d’amalgames subrepticement tissés, de stigmatisations et de complots de toutes sortes. De leur côté, ces derniers ne jurent plus que par la Guerre Sainte, afin de vaincre les chrétiens impies. Ils détruisent les maisons des chrétiens et profanent des tombes de juifs.

Moi j’accuse les américains d’avoir créé et entretenu ce monde bipolaire. La Corée du Sud et celle du Nord sont des frères ennemis, l’Allemagne de l’Est et celle de l’Ouest se sont regardés en chien de faïence pendant des années. L’attitude toujours va-t-en-guerre de ce pays est l’une des véritables plaies de notre monde. Les plus grands doivent montrer l’exemple, au lieu d’écraser les autres. Les musulmans sont en colère. Ils ont trop souvent tendance à exagérer, mais je les comprends. Je trouve inacceptable les agissements d’Israel qui ont conduit à l’asservissement du peuple palestinien, le ravalant au même piédestal que des cochons d’inde en cage, torpillant toutes les tentatives de retour de la paix, interdisant la création d’un Etat palestinien. L’arme du faible est le désespoir. Et quand ce sentiment de désespoir est exacerbé, cela conduit à des catastrophes comme celles survenues il y a dix ans déjà. Résolvons le problème de la Palestine et nous auront parcouru les trois quarts du chemin menant vers la pacification de l’Occident et du monde musulman.

Mais pour cela, les données actuelles appellent à de la patience. A beaucoup de patience. L’escalade va crescendo. Hier, des égyptiens ont pris d’assaut l’ambassade hébreu au Caire, le saccageant, obligeant l’ambassadeur à partir manu militari. Déjà, on signale des attentats perpétrés au Nigeria par une secte islamiste, les Boko Haram. Et la coalition qui continue de bombarder l’Afghanistan en faisant de plus en plus de victimes civiles. « collatérales », dit-on, dans le jargon.

Voilà ce que j’ai retenu des évènements du 11 septembre 2001. Tout est sombre. Le seul point positif est que cela a donné à des scénaristes américains (encore eux) l’idée de réaliser la fameuse série 24, qui nous a tenus en haleine pendant des années et qui nous a partiellement fait oublier que de telles choses pouvaient désormais survenir dans la vraie vie.

 

Par René Jackson

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