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Merci, la France!

Old Frayed French Flag par fdecomite, via Flickr CC
Old Frayed French Flag par fdecomite, via Flickr CC

J’étais dans le désarroi total. Un profond désarroi. Un désarroi duquel heureusement je sors depuis quelques jours ou quelques semaines. J’étais inquiet. L’Africain ne serait-il qu’un être doté de la plus abjecte ingratitude ? Non. L’Africain n’est pas ingrat. Heureusement. Nous savons dire merci. Car avec toutes les bonnes choses que la France fait pour nous, nous serions de profonds ingrats si on ne remerciait pas cette chère nation. Les maliens disent merci à la France. Merci d’avoir mis en déroute les islamistes qui tranchaient les mains des fumeurs, lapidaient les fornicateurs, détruisaient et brûlaient des centaines d’années d’histoire à Tombouctou. Les Maliens savent dire merci. L’Africain sait dire merci. Quoique… Les Maliens sont les seuls à avoir jamais dit merci à la France. Et on dit souvent qu’il y a l’exception qui ne fait que confirmer la règle. L’Africain ne serait-il qu’un petit ingrat ?

La réponse à cette question semble être un OUI sans appel. Avons-nous jamais pensé à remercier la France pour ce qu’elle fait pour nous et nos Etats ? Voilà une « omission » qu’il va falloir réparer. Je ne vais pas me lancer dans un debriefing de l’histoire dont beaucoup ne comprendront ni les tenants et les aboutissants. Je vais me limiter à l’histoire très très contemporaine.

Qui a pensé à remercier la France pour la Côte d’Ivoire ? Personne. Qui a empêché au pays d’Houphouët d’imploser au début des années 2000 quand les rebelles venus du nord avaient décidé de marcher sur Abidjan, en envoyant dans ce pays une force d’interposition qui créa une zone tampon qui empêcha aux belligérants ivoiriens une confrontation qui s’annonçait être d’une rare violence ? C’est la France. Merci d’avoir évité ce bain de sang. Qui se battit pour que les deux parties s’entendent sur un traité de paix (Marcoussis) ? C’est la France. Qui régla définitivement le problème Gbagbo ? Ce « patriote » qui était en réalité un braqueur électoral qui a refusé de reconnaître qu’il ne devait sa place qu’à un obscur jeu de chaises musicales, une place qu’en réalité, il ne méritait pas.

Concernant ce bonhomme, il y a une chose que je n’ai jamais comprise : comment des gens (des Africains en l’occurrence) peuvent soutenir quelqu’un qui a décidé obstinément d’ignorer la constitution de son pays en effectuant un mandat supplémentaire qui ne reposait sur aucune base légale (nous au moins, on s’arrange d’abord à la modifier à notre goût, la Constitution), un homme qui sabordait tous les efforts de paix, un homme qui, dans son jusqu’au-boutisme destructeur avait décidé d’emmener des milliers d’ivoiriens avec lui dans sa tombe de soi-disant martyr ? Non, Gbagbo n’est pas un héros. Et merci à l’armée de France d’avoir bombardé son bunker, d’avoir détruit son armée et d’avoir mis un terme, un jour d’avril 2011, à dix longues années d’instabilité dans la perle de l’Afrique de l’Ouest.

Merci la France, d’avoir éliminé Kadhafi ! Parmi les personnes les plus dangereuses sur notre Terre, figurent en bonne place les démagogues. Et plus démagogue que Kadhafi, il n’y avait pas. Ce perpétuel souci pour l’hyper sécurité voulait dire une seule chose : lui-même ne se savait pas aimé. Mouammar Kadhafi se baladait toujours avec au moins deux Boeing 747. Un pour lui et son harem, les autres remplis d’amazones armées jusqu’aux dents et plus farouches qu’un bison en rut. Beaucoup ont dit : « Lui, c’était un panafricaniste. Il a créé l’Union Africaine, il voulait les États-Unis d’Afrique ». Balivernes ! Allez demander aux Africains quelles étaient leurs conditions de vie dans la Libye de Kadhafi. Il a créé l’UA. Admettons. Mais il n’y a pas coquille plus vide que l’UA. L’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) tant critiquée en son temps semblait plus réactive que ce miroir aux alouettes qu’est l’UA. Les États-Unis d’Afrique, cette belle utopie. Une utopie encore plus utopiste quand le même Kadhafi décida que la Capitale de ces États-Unis d’un nouveau genre serait… Syrte. Oui oui, son village natal ! J’aurais bien aimé voir comment il aurait convaincu nos despotes de lui déléguer leurs pouvoirs si durement acquis et maintenus. Merci la France. 42 ans de pouvoir dans une démocratie, c’est bien assez.

Merci la France d’être intervenue au Mali. Pour chasser tous ces barbus. Merci d’être allés jusqu’au bout de votre logique. Après le conflit libyen, des jihadistes ont proliféré partout au Sahel, emportant armes et munitions récupérées après la débandade dans les rangs de l’armée fidèle au dictateur. Ces même jihadistes, dans un excès de zèle, ont décidé d’annexer le Mali afin d’en faire un Etat islamiste ? Pas de panique. L’armée française redescend au Mali et les pourchasse. Merci la France pour cette action au Mali.

Les raisons de dire merci à la France, je ne pourrai toutes les énumérer, mais j’en donnerai une dernière.

Merci la France de m’avoir donné raison. Il y a deux ans, j’ai publié un billet ici même où je déclarais, preuves à l’appui, que la France n’avait rien à voir dans les problèmes que nous connaissons en Afrique. Jamais, dans ma courte vie de blogueur, je ne me fis autant conspuer. Jamais de toute ma vie d’ailleurs. L’intervention de la France au Mali est la résultante pure et simple de longs mois de tergiversations, de non-dits, d’absence d’initiative, voire même de désintérêt des premiers concernés, c’est-à-dire l’Etat malien lui-même et les autres Etats africains pris globalement.

Je les entends déjà d’ici, ces voix qui vont bientôt succéder à ce concert de louanges pour dire : « Oui mais, vous savez, la France au Mali, c’est d’abord pour des intérêts français hein ! » Ok, admettons. D’ailleurs, par essence, aucun acte humain n’est dénué d’intérêt. Encore moins les actes d’un État. Mais les États africains, en démissionnant de leurs responsabilités au Mali l’ont fait en s’imaginant qu’ils n’avaient aucun intérêt à régler ce problème au Mali ? Si oui, c’est faire preuve d’une dangereuse étroitesse d’esprit.

Le Paris-Dakar a foutu le camp depuis déjà 5 ans. Personne n’a cillé. Le Sahel (et plus généralement le Sahara) est devenu un no man’s land, non plus seulement à cause du désert, mais à cause des terroristes de tout poil qui sillonnent cette zone. A l’est, on a les pirates capables de détourner des super tankers. A l’ouest, on a des trafiquants de drogue qui s’occupent d’acheminer en Europe les stupéfiants provenant d’Amérique du sud. Au milieu, on a des preneurs d’otages. Et tous sont des intégristes prêts à tout pour se faire entendre. Ils représentent désormais une menace réelle pour tout ce qui se situe en Afrique, au nord de l’Equateur. Ils ont conquis le nord-Mali sous l’œil placide de notre chère UA, pendant que la CEDAO conjecturait inutilement. On manque d’hommes de décision. François Hollande a pris les devants et a fait ce que nous avons obstinément refusé de faire depuis un an. Oui, chers frères africains, encore une fois, c’est d’autres qui ont pris des décisions nous concernant à notre place.

Merci la France, de nous avoir une fois de plus mis à nus. Merci d’avoir montré à la face du monde que nous n’avons pas de couilles. Merci d’avoir montré à tous que la seule expression de la virilité dont on se vante tant ne s’exerce en fait que sur nos pauvres femmes dans nos chambres et que lorsqu’il s’agit de se conduire en hommes, en vrais, c’est-à-dire en personnes dotées de cojones, il n’y a plus personne.

Merci pour tout, la France.

Par René Jackson

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Commentaires

Thierry
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Salut le Bandjounais,
article bien fait, mais te connaissant je me demande si tu ne souhaite etre admis comme refugie en France.
Porte toi bien et merci de me permettre de ne pas perdre les expressions du mboa

René Nkowa
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Thierry, tu n'as pas saisi ce qui sous-tend ma démarche dans ce billet. Tu aurais dû comprendre qu'en disant "Merci à la France", je flagelle en fait l'attitude presque résignée de nos dirigeants. Attitude qui pousse d'autres à réfléchir pour nos propres problèmes à notre place.

Ulrich
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Sans t'avoir lu, René, je suis parfaitement d'accord avec toi. Mois j'ai écrit un billet dans lequel je déclarais que: "la Françafrique finira quand les Africains voudront". Nous savons nous placer chez nous et dire qu'on nous a pillés mais quand un besoin de solidarité s'impose, nous en sommes incapables. Chapeau! meme si, on peut relativiser avec d'autres éléments historiques.

Réndodjo Em-A Moundona
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Très bien dit René. Belle vision de la Francafrique. Cette machine xiste parce que l´Africian le veut. Le Vietnam fut aussi une colonie francaise. Pourquoi n´y-a-t-il pas une Francasie? Tant que nous ne nous affirmerons pas, il est très inutile de se plaindre.