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Le melting pot des présidentielles

 

Demain dimanche 09 octobre 2011, les camerounais vont élire leur nouveau président de la République. Du moins, ceux qui voudront et/ou pourront le faire, car jusqu’à cette veille de jour-J, de nombreux électeurs n’ont toujours pas eu en mains le précieux sésame qui leur permettra d’aller dans les centres de vote accomplir leur droit de citoyen qui est celui de choisir à qui offrir les rênes de la destinée de notre pays. Entre peur dans le ventre, compétition courue d’avance et incertitudes, voici en quelques termes un concentré des évènements saillants de cet épisode de campagne électorale souvent commun à bien de pays,  avec malgré tout des particularismes bien camerounais.

 

Panique: c’est ce qu’ont ressenti les populations de Douala le 29 septembre dernier, quand au petit matin, un individu (attention, là les chiffres varient. Mais officiellement c’était un individu) a investi le pont qui enjambe le fleuve Wouri, qui sépara la ville en deux. Certains témoins signalent qu’il arborait une banderole hostile au président en place. Après un échange de coups de feu, l’homme, vêtu d’oripeaux militaires, s’est jeté dans les flots. Il n’a pas été retrouvé malgré de longues heures de recherches. Dans la même journée, Martin Kisop, fils de colonel de l’armée camerounaise, candidat recalé à ces élections présidentielles et chef d’une mystérieuse Armée de Libération du Peuple Camerounais revendique l’acte. Il s’en proclame le chef et se promet « de dégager le président Biya par les armes ». Cet évènement  soulevé l’inquiétude chez bon nombre de gens, inquiétude qui a été exacerbée par le fait qu’une grenade, heureusement encore non amorcée, a été découverte dans les bureaux d’Elécam (l’organe chargée de l’organisation des élections au Cameroun) dans l’ouest du pays.

Femme sans enfant: Elle s’est brouillée il y a quelques temps avec le parti avec lequel elle s’est lancée en politique. Parti qu’elle a d’ailleurs quitté pour créer le sien, le CPP (Cameroon Peoples Party). Elle défraye la chronique depuis par sa verve, son franc-parler, par sa présence sur le terrain et sur les médias et elle se distingue par le fait qu’elle est l’une des deux femmes candidates. De façon étrange, un aspect bien particulier de sa personnalité intéresse beaucoup plus. Il se dit (rumeur pas encore vérifiée) qu’elle n’a jamais convolé en noces et, pire, qu’elle n’a jamais eu d’enfant! Chez nous, un individu de genre féminin ne devient femme que lorsqu’il a un enfant. Avant cela, on est personne. Et comment est-ce que personne peut prétendre diriger un pays? Ceux qui ont assisté aux débats prétendent que chaque fois qu’elle se pointait sur un plateau de TV, on lui posait la question perfide: comment est ce qu’elle qui n’a pas d’enfants compte-t-elle diriger le Cameroun? Et elle de répondre: « je n’ai pas fait d’enfant moi-même, certes, mais j’en ai élevé plusieurs ». Je ne peux pas confirmer ces propos, car n’ayant pas moi-même regardé les émissions concernées.

Le choix du peuple…: Là, il n’y a rien de nouveau sous le soleil! Déploiements gigantesques, routes coupées, militants réquisitionnés. Le seul fait nouveau est que pour un déplacement du Président Candidat dans le pays, trois aéroports se mettent en indisponibilité: pendant la semaine, il se allait à Maroua, partant de Yaoundé. L’aéroport de Yaoundé se met en stand by quand il y passe. De cela, le coin est déjà habitué. Mais il se trouve que l’aéroport de Maroua est bloqué jusqu’à son départ de la ville et que celui de Garoua (à quelques centaines de kilomètres au sud) est fermé parce que tout son matériel a été déplacé pour… Maroua, qui n’en dispose pas. Certains se plaignent du fait qu’il utilise le matériel de l’Etat (avions, personnel, véhicules et logistique, fonds…) pour faire sa campagne. Le problème, c’est que sémantiquement, il y a nuance. Ses déplacements récents sont des visites officielles et des cérémonies de pose de première pierre. Dans ses différents discours, il ne mentionne presque pas le fameux « si vous m’élisez… ».  C’est une pure coïncidence si ces visites tombent en pleine période de campagne électorale. Et puis, même si pour sa campagne qu’il réquisitionne tous les moyens de l’Etat, il n’y a rien a dire. Il est le Chef ou il ne l’est pas?

…Et les autres: Ils sont au nombre de 22. Ce chiffre, dans un scrutin majoritaire à un tour avec un parti dominant, le sort est déjà scellé. Rien d’autre que des purs faire-valoir. Entre ceux qui disent qu’ils savent d’ores et déjà qu’ils ne vont pas gagner (mais pourquoi donc se présentent-t-ils?), ceux qui ont dans leur programme politique un seul point: chasser Paul Biya (oui, d’accord. Et après on fait quoi?), ceux qui ne peuvent  s’exprimer en public sans provoquer le fou-rire (je les imagine discourant devant l’ONU, honte au Cameroun) et tous les autres qu’on ne connait pas, il est difficile de faire la part des choses. C’est un peu normal qu’ils soient aussi nombreux. Chacun de ces candidats aura 30 millions de francs en guise de subvention de la part de l’Etat. Cela motive. Ca me rappelle un candidat, pompeusement surnommé le « 3è triumvir » malheureusement décédé depuis. Il avait fait rire son monde pendant la dernière campagne. Il tenait le micro d’une main tremblotante et tenait un discours échevelé. Son principal cheval de bataille était la déclaration des biens. Pour montrer l’exemple, lui-même disposait, selon ses propres dires, d’une bicoque qu’il avait hérité de ses parents dans un coin mal famé de Douala, d’un salaire de 200 000 francs en tant qu’agent de l’Etat… Il est tout de même important de signaler que l’un des candidats a refusé cette manne, sous le prétexte qu’il la trouvait insignifiante.

Conflit d’intérêt: Pauline Biyong, membre d’Elecam, la structure qui organise le scrutin présidentiel au Cameroun, se retrouve dans l’oeil du cyclone. Et pour cause: l’entreprise dont elle est promotrice a remporté le marché de l’affichage du Candidat Président. L’opposition crie au risque d’impartialité. Après des jours de levée de boucliers, la dame est finalement exclue de l’organisme électoral hier vendredi. Victoire de la démocratie! Mais le fait est que, selon les pratiques courantes dans notre royaume de l’inertie, cela n’aurait pas été une surprise si elle était restée en place malgré tout. Un pays dans lequel aucun officiel ne présente des condoléances après un week-end qui a vu mourir soixante compatriotes sur une portion de route, rien ne surprend. Mais à leur décharge, il y a des accidents tout au moins aussi mortels chaque semaine sur cette même portion de route. Finalement, c’est devenu un évènement banal.

On verra après les élections: Au Cameroun, « On ne donne pas le lait » n’est plus l’expression favorite. En tout cas pour le moment. Désormais , « on verra après les élections ». On peut croire que ce n’est qu’une nouvelle habitude de langage que les camerounais ont encore adopté comme ils le font si souvent. Ce n’est pas si utopique, pourtant! Il n’y avait qu’à faire un tour dans les bureaux administratifs ce derniers temps pour s’en rendre compte. Avant-hier, par exemple, je me suis rendu dans l’établissement universitaire que je fréquente et contrairement aux jours ordinaires, tous les parkings étaient vides. Les voitures sont habituellement là où leurs propriétaires se trouvent. L’hypothèse selon laquelle tous les responsables de l’université ont pris de concert la décision de venir ce jour-là au travail en moto-taxi ou à pieds ne tient malheureusement pas. Il y a deux semaines, on a tenté de rassurer la population avec un: « les ministres titulaires sont absents de leur poste (et pour cause), mais cela ne perturbera en rien le fonctionnement des services administratifs ». On ne peut donc que se satisfaire de ce que ce jour arrive enfin, que les différents responsables reviennent de campagne et que les choses puisse reprendre leur cours.

En attendant, les marchés sont pleins. Les gens se ravitaillent comme si les jours décrits dans l’Apocalypse de St Jean étaient proches. Beaucoup clament avoir acheté leur sac de riz, au cas où. « Si les choses devaient vraiment tourner au vinaigre, ces personnes laisseraient-t-elles leurs enfants pour ne s’occuper que d’un malheureux sac de riz? » s’était interrogée une femme devant la soudaine frénésie générale.

 

Par René Jackson

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Commentaires

Marcelle
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Moi je suis un peu déçue par l'attitude qu'on prend devant la candidature de K Walla à mon sens elle est celle qui traduit mi eux ce qu'est la jeunesse camerounaise actuelle ( par delà le monde) une jeunesse motivée pleine de belles idées et travailleuse, qui ne demande qu'à avoir l'occasion de s'exprimer de se réaliser ! le fait qu'on outrepasse ces aspects fondamentaux de sa candidature , ses aptitudes et potentialités pour s'arrêter aux clichés du genre "elle n'a pas d'enfants ou n'a jamais été mariée" je trouve que c'est sidérant! au fond: qu'est ce que ca change sur sa capacité à sortir un pays du gouffre?
Qui de nous n'a jamais pensé que avoir un mari ou des enfants était une grâce
dont on avait pas forcément la décision ou le choix?Pourqoui la condamner à priori sur de tels clichés? quelles garanties recherche est-on dans la candidature d'une personne mariée et mère ou père d'enfants! il y' a pleins d'acteurs politiques ,ou économiques! bref de personnes au sommet qui sont pareilles! et c'est dommage qu'au lieu de voir ce que représente une telle candidate en termes de challenge de renouveau, d'espoir on voit plus tôt ce que n'a pas été sa vie personnelle sans en connaitre les raisons ( si jamais c'était ça la question)

Nathalie
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Je te dis, mon frère! Wekeee, on va faire comment?! On verra après les élections, nooooon?!...

Linal
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Vous êtes incroyable! Être marie avec enfants n est pas un critère essentiel pr être présidentiable sinon elle n'aurait pas été retenue! Elle est brillante et des 23, c la + cohérente! Alors laissons de cote ces éléments inutile! Ns soes jeunes prenons notre destin en main! Et laissons ns inspirer par la bravoure d' cette dame!