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Femme africaine, qui es-tu ?

 

Tu as pendant longtemps été représentée comme une mère nourricière

Tout juste capable de gaver et de faire grandir l’avenir d’un continent perdu

Le monde t’a longtemps vue comme cette personne désarmée et éplorée

Témoin impuissant du ballet des charognards autour de ton enfant squelettique et agonisant

Le monde t’a longtemps contemplée comme cette personne inculte

Qui se contente de parcourir des kilomètres à pied pour trouver de l’eau pour sa famille

 

Tu as à la fois beaucoup changé, mais aussi pas tant que ça, Femme africaine

Aujourd’hui tu es différente de l’image qu’on a voulu donner de toi

 

Tu es engagée dans les combats, tu montes en première ligne, tu revendiques

Tu dis as dit non à l’apartheid, en utilisant plusieurs stratagèmes qui ont porté leurs fruits

Tu t’es servi de l’art pour dénoncer ce régime qui terrorisait et tuait des innocents

Tu as pris le microphone, tu as parcouru le monde pour chanter la déshumanisation d’une race

Tu t’es engagée à attaquer frontalement le spectre ennemi

Tu es descendue dans Soweto, tu as harangué les jeunes, tu les as incités à prendre leurs responsabilités

Tu as été l’une des figures marquantes de la lutte contre cette barbarie

Tu as soutenu ton mari, ton frère ou ton fils qui avait eu la chance de ne pas être tué

Mais qui croupissait dans un cachot la nuit et qui devenait un forçat dans un bagne une fois le jour levé

 

Tu es cette personne qui continue de battre le pavé pour dire ta façon de penser

Tu as renversé un régime dictatorial au Burkina Faso à l’aide d’une simple spatule

Tu as bravé la violence et les viols pour aller sur la place Tahrir exiger le départ d’un despote

Tu es celle qui a tenu cette pancarte sur laquelle était écrit « dégage » lors d’une manifestation à Tunis

Tu n’as ménagé aucun effort pour défendre tes droits, pour avoir voix au chapitre

Aujourd’hui, tu présides aux destinées du Liberia, de la République centrafricaine, de l’Ile Maurice

Tu es la directrice de la Commission africaine, tu diriges la mission de maintien de la paix en Côte d’Ivoire, tu es la procureure générale de la Cour pénale internationale

Tes sœurs et toi occupez désormais 63 % des sièges à l’Assemblée nationale du Rwanda, 44 % de ceux des Seychelles, 43 % des sièges de l’Assemblée nationale sénégalaise

Tu es la Reine de l’acier en Afrique du Sud, tu es le prix Nobel qui parlait aux arbres au Kenya, tu es celle qui a réussi à se hisser au rang de directrice générale de la Banque mondiale

Tu navigues de réussite en réussite, tu es devenue le porte-flambeau du continent

 

Mais, Femme africaine, ta situation reste toujours aussi précaire

Tu es celle qui souffre le plus des conflits, tu es violée, tes enfants assassinés, tes champs détruits

Tu demeures encore celle qui, dans beaucoup de contrées, est vendue au plus offrant, ou livrée en holocauste pour sauvegarder des intérêts innommables

Tu es celle qui est donnée en mariage alors que ta puberté n’est pas encore à l’ordre du jour

Tu es celle qui est encore excisée à tour de bras, qui est muselée par la société, qui doit se soumettre face à la brutalité de son mari

Tu es celle qui subit toutes sortes de brimades au travail, qui est sous-payée, à qui sont dévolues les tâches les plus ingrates, les plus sales, les plus abjectes

 

Malgré cela tu restes forte, car c’est sur toi que ta famille repose

Si tu ne courbais pas l’échine tous les jours, ton continent n’aurait plus que ses yeux pour pleurer

 

Mais quelques fois tu es trop forte, plus forte qu’il ne le faudrait

Car si ta fille est vendue à son futur époux, c’est très souvent avec ton assentiment

C’est toi l’exciseuse, c’est toi la tête pensante du chef de guerre

C’est toi qui repasses les seins de ta fille, c’est toi qui es complice de ton conjoint spécialisé dans le tripatouillage constitutionnel

Tu t’es professionnalisé dans les attentats-suicide, tu es l’exécutante lors des crimes rituels

C’est toi le chef de gang, c’est toi qui abandonnes tes nouveau-nés dans des poubelles

 

Femme africaine, tu es devenue multiforme, polyvalente et tu t’adaptes à toutes les situations

Tu es ambigüe, car tu réclames une place, une voix, de la considération

Mais en même temps tu crains presque de te voir octroyer tout ce que tu mérites

Tu es celle sur qui l’équilibre et l’avenir de l’Afrique reposent

Alors tu as la responsabilité de ne jamais faillir de ne jamais baisser les bras

Tu as l’honneur d’être celle vers qui les regards des générations actuelles se tournent

 

Par René Jackson

Ce billet est une participation au projet collaboratif « Renaissance du 31 juillet » qui s’est donné pour objectif de marquer d’une pierre blanche la célébration de la journée internationale de la Femme africaine, célébrée le 31 juillet de chaque année. Retrouvez l’intégralité du projet ici: www.journeefemmeafricaine.com

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Auteur·e

ntrjack

Commentaires

Guillaume DJONDO
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Très intéressant... Bravo !!!

Elsa Kane Njiale
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J'avais d'abord craqué sur "A Elles". C"est avec un grand plaisir que je lis cet autre poème. A bientôt de vous lire en chair et en papiier!

René Nkowa
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Je suis heureux de vous faire plaisir !

Guy Muyembe
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63% de parlémentaires rwandais sont des femmes.Pourquoi faire? Pour permettre à Kagamé de s'eterniser au pouvoir.:-((

Benjamin Yobouet
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Excellent poème! Chapeau.

Cordialement!

renaudoss
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Grave et belle question, Bravo!

Serge
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Trop top ce poème ... :)

comme Makeba t'a inspiré, je te balance un lien que tu aimeras peut-être et que peut-être tu connais déjà ;)
https://peacefulworld.mondoblog.org/2013/05/02/mama-africa-chante-la-samba/

https://www.youtube.com/watch?v=oztzZu5zPzs

Grace Bailhache
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Merci pour la découverte Serge, la grande Makeba est une telle inspiration pour tant de personnes, en plus je suis en général hyper attentive aux doodles et oups je n'avais pas vu celui là....Wow quelle merveille !

Quand à la reprise de Mas Che Nada, elle démontre à la fois la puissance vocale que la qualité d’interprète !

Au plaisir

Grace

Grace Bailhache
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Que te dire de plus R.J. sinon que de réitérer mon admiration pour ta plume, et, de remercier une fois de plus, d'avoir accepter mon invitation.
Ce texte m'interpelle, m'émeut et il aura plus d'une vie car il mérite d'être lu, dit et transmis.

Dans l'attente de vos prochains billets, je demeure une fidèle lectrice.....

Grace

Anne-Marie Makombo
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Bien pensé ce poème ! Je pourrais aussi l’intituler : « Les contradictions de la femme africaine… »

groupe Bsn
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Très belle réussite. Nous sommes en admiration et c'est un puissant hommage à la femme mère de l'humanité.
Nous sommes en attente de vos rédactions.

Toutes nos félicitations ,

Groupe Bsn