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Faut-il croire à la sorcellerie?

 

Un sorcier africain

J’ai assisté à la messe hier dimanche. Oui, je fais partie de ceux qui sont convaincus de l’existence de Dieu et de son omnipotence. Et au fur et à mesure que j’ai le sentiment de mieux comprendre le monde et la vie, je suis encore plus affermi dans cette conviction. Donc, hier à la messe, l’une d’ailleurs des plus belles auxquelles j’ai eu à assister, le prêtre a fait une homélie très imagée et de ce fait accessible à tous, même aux enfants qui composaient au moins le tiers de l’assistance. Il a évoqué avec des termes forts la sorcellerie. Il s’est appliqué à démonter méthodiquement cette croyance (ou pratique) à l’aide de passages bibliques choisis avec minutie. Mais dans nos sociétés africaines où les traditions ancestrales ont encore prise sur les gens, il est très difficile de se départir de toute la bulle ésotérico-mystique qui semble guider beaucoup de gens. D’un autre coté, le niveau d’instruction qui ne cesse d’être à la hausse amène de moins en moins de jeunes à y prêter quelconque attention. Une question est donc posée: la sorcellerie existe-t-elle?

 

Parcourez les rues d’Afrique sub-saharienne, écoutez la radio, regardez la télé, prêtez attention aux commentaires. Tout le temps et en tous lieux, les gens s’accusent mutuellement d’être des sorciers. Mais personne n’avouera jamais avoir eu recours au moins une fois de sa vie aux services d’un sorcier. C’est toujours l’affaire des autres. S’il faut que je donne mon avis à ce sujet, je dirais (j’appuie bien sur le conditionnel) que la sorcellerie n’existe pas. Mais même si elle existe, sa puissance n’égale en rien celle de Jésus le Christ.

La représentation que les gens se font de la sorcellerie est grandement péjorative. Pour tout le monde, la sorcellerie est quelque chose de mauvais, la manifestation de forces noires, obscures et surtout malfaisantes. Mais elle est bel et bien présente dans notre vie de tous les jours. Un exemple: dans une aucune fiction d’Afrique noire, on ne trouve pas un sorcier ou tout au moins un marabout. Dans ces fictions, on ne brosse pas un tableau très reluisant de ces personnages, considérés comme des agents du mal mais tellement nécessaires à la vie (ou survie) du groupuscule social dans lequel ils sévissent. Prenons Les Bobodioufs, feuilleton africain phare des années 2000 qui avait été tourné au Burkina Faso. Le sorcier de l’histoire, qui se faisait appeler Souleymane.bf, était un escroc notoire et subrepticement vicieux, car il profitait de sa situation d’incontournable  pour spolier ses victimes qui étaient presqu’exclusivement des femmes à défaut de les mener dans son lit.

Ayant moi-même été un temps joué au secrétaire attitré pour le compte d’un sorcier (en fait, je m’occupais de saisir et d’imprimer ses minutes de consultation) j’ai cessé de croire en la sorcellerie. Pour moi, c’est – pardon pour  l’expression – un gros foutage de gueule. J’ai travaillé sur les papiers de près d’une dizaine de ses clients avant de me rendre compte qu’en fait, les textes étaient totalement similaires. La seule différence étaient les noms. A force, j’en suis arrivé à maîtriser son processus de « guérison ».  Et dans ces productions, il y avait toujours un cousin, un oncle ou une belle-mère à accuser d’en vouloir à la vie du patient et il fallait s’en remettre à la déesse des eaux, la très fameuse « Mami Wata » qui se chargera d’aller déterrer une bouteille enfouie quelque part et contenant l’esprit du malheureux. J’en parle maintenant parce que le marabout nous a quittés il y a quelques années déjà. Sinon, je n’aurais pas pris le risque de dévoiler ce secret. On se sait jamais, il y a des chances que la sorcellerie existe vraiment. Il pourrait même parvenir à me jeter des sortilèges d’outre-tombe, sait-on jamais…

On a quand même tout fait pour ne pas y croire, mais certains évènements qui surviennent poussent réellement à s’interroger. Il y a quelques années, une phénomène avait mis en émoi les populations de Douala. Toutes les semaines ou presque, on entendait parler d’un atterrissage d’un avion de nuit.  Les passagers, qui de jour sont des êtres bel et bien humains, rétréciraient une fois la nuit tombée, au point de pouvoir rentrer dans des boîtes de sardines qui seraient capables de s’élever dans les airs et de parcourir tout le Cameroun. Bien souvent, les passagers de ces avions de fortunes atterrissent sur les toi d’humbles citoyens. L’une d’elles affirmait une fois à une foule hébétée qu’à la suite d’un désaccord, elle s’était faite expulser en plein vol de l' »avion » en partance de Ntui dans l’ouest du Cameroun pour le Congo. Le plus consternant est, d’après les témoignages, que les personnes qui dégringolent de ces avions de nuit vieillissent à vue d’oeil. Ainsi, un jeune homme me raconta avoir vécu une scène semblable un jour et qu’au moment où lui-même était arrivé sur les lieux, la victime avait l’aspect d’une jeune femme de 25 ans, mais que quatre heures de temps après, quand la police l’emmenait, elle en faisait plus de 70.

Mes convictions cartésiennes ont sérieusement vacillé il y a quelques temps lorsque je suis tombé sur  un article relatant les circonstances terribles du décès de Mme Suzanne Bomback, anciennement Ministre chargée de la promotion de la femme et de la famille. On peut aussi parler de ces scènes scandaleuses qui surviennent en pleine ville de Douala où on voit des hommes et femmes d’apparente bonne constitution physique et mentale aller violer les fous et folles en pleine rue. C’est, dit-on, les recommandations que les sorciers donnent souvent à ces personnes manifestement vicieuses qui sont à l’affût du gain facile. Les mêmes recommandations en toute apparence  sont faites à ces hommes et surtout femmes qui, ayant stationné leur véhicule (généralement très luxueux) dans la rue, entreprennent de se mettre tout nus aux yeux en feu de badauds oisifs qui en redemandent toujours plus.

Ceci dit, on a souvent trop vite fait d’imputer certains évènements au mysticisme. Aucun malheur n’est jamais fortuit dans nos contrées. Quand un accident survient, on y voit la main d’un lointain cousin qu’on a même pas connu, mais jamais celle du conducteur salement  éméché qui voyait tout en double. L’un des tronçons de l’axe-lourd Douala-Yaoundé était réputé être accidentogène. Le sorcier du coin a évoqué le courroux des ancêtres qui n’avaient pas été honorés lors de la construction de la voie. Un ingénieur en ponts et chaussées a pointé du doigt l’étroitesse de la chaussée. Sa largeur a été doublée et on n’a plus jamais entendu parler de cet endroit. On ne compte plus les personnes décédées parce que conduites à l’hôpital trop tard, tout simplement du fait qu’auparavant, il y a eu un alitement (souvent pendant plusieurs semaines) dans la case d’un marabout qui rien trouvé de mieux à faire que d’attendre le dernier moment pour avouer son impuissance.

Sorcellerie ou pas, il y a de quoi être confus. Mon père me racontait un jour que chaque fois qu’il allait voir son grand-père et qu’il se retrouvait à rentrer chez ses parents la nuit tombée, le totem de cet aïeul (une panthère ou un serpent, je ne sais plus) l’accompagnait et restait tapi dans les fourrés tout le long du chemin, jusqu’à ce qu’il parvienne à la case familiale. Il m’explique qu’ainsi, il se sentait en totale sécurité. Ceci est assez étrange car à la même époque, mon père était l’enfant de coeur qui faisait 3 messes tous les dimanches à la paroisse catholique…

 

Par René Jackson

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Commentaires

Coulibaly Yabil Félicité
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Jack, Bel article! Tu touches à un sujet qui m'interesse particulièrement.
Croire en la sorcellerie ou ne pas croire à l'existence de la sorcellerie?
Moi je crois à son existence du moment où je crois à l'existence des forces du bien qui sont le contraire les forces de la sorcellerie.
Au fait tout ceci n'est qu'une confusion.Ce que je retiens est que lorsque je crois et que j'intériorise une chose cette chose a un pouvoir sur moi. Tout se passe dans la pensée et à travers nos pensées. Merci cher ami.

René Nkowa
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De rien, Félicité.

naiko
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Existe t-elle? ou pas? En tout cas, il y a trop de choses bizarres qui se passent chaque jour. Des trucs les plus étourdissant au fur et à mesure qu'on évolue dans notre cycle social (surtout dans la découverte de la vie et de ses réalités). N'empêche qu'on a des une(des) culture(s) et plusieurs traditions auxquelles nous sommes attachées. doit-on les repoussées? (surtout que c'est obligatoire dans certaines tribus). si oui! le peut-on? sont-elles vaines? trop de questions suscitent d'énormes réflexions chez la majorité des Africain alors...