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Braquage à l'américaine à Douala!

Un combattant du MEND

Les citoyens de la cité capitale économique du Cameroun ont eu un réveil difficile avant-hier, samedi 19 mars 2011. La faute à un spectaculaire cambriolage qui a eu lieu à Bonabéri, à la sortie ouest de la ville de Douala. Sans doute le coup de vol le plus terrible dans l’histoire de cette ville. Le scénario était digne d’un film hollywoodien: une banque, un coffre-fort, une multitude de brigands, des mitrailleuses, quelques explosifs, des snipers, une zone tampon, un hold-up, des morts, un échange de tirs nourris avec les forces de l’ordre, fuite en catimini. On se serait crus en pleine fiction. Sauf que c’était bel et bien réel. L’agence de l’établissement bancaire Ecobank, située au lieu-dit Quatre étages à Bonabéri, a été victime d’un braquage des plus rocambolesques. Cela est d’autant plus vrai qu’il y a eu cinq morts sur le carreau!

 

Il est à peu près 23 heures ce vendredi 18 mars quand les riverains et les passants entendent une forte détonation qui provient de l’immeuble abritant la succursale d’Ecobank à Bonabéri. Les gens se demandent ce qui peut bien avoir causé une telle déflagration quand une rafale se fait entendre. Il s’agit d’un tir provenant d’une mitrailleuse. Une arme de guerre. Débandade générale! Les personnes présentes sur les lieux s’enfuient dans toutes les directions. Rapidement, les brigands forment un « cordon de sécurité » à l’intérieur duquel personne ne doit pénétrer, sous peine d’être abattu. Un car plein de passagers, ignorant que la route était fermée, se fait littéralement arroser. On dénombre quelques blessés. Un camion de pompiers qui s’en allait faire une intervention quelque part est stoppé net. Il vient d’essuyer les tirs d’un sniper posté sur le toit d’un immeuble proche. Les pneus sont crevés. Heureusement, aucun pompier ne sera blessé. Les conducteurs de deux voitures ayant enfreint l’interdiction sont eux abattus. Un homme, déficient mental, connu dans le coin sous le pseudonyme de Shevchenko, se fait tuer. Le malheureux passait par là au mauvais moment.  Les adeptes de Bacchus qui avaient investi le bar situé en face de la banque sont priés de se coucher face contre terre. Ils sont tenus en respect par un jeune homme muni de ce que certains identifieront comme étant une Kalachnikov.

Dans la rue, les coups de feu se font entendre. Ils tirent en l’air pour éloigner les éventuels aventuriers. Mais déjà, ils ont abattu froidement deux vigiles de nuit qui ont essayé de leur opposer une certaine résistance. A l’intérieur du bâtiment, une partie du groupe est déjà en train de vider le coffre-fort de l’établissement bancaire. Ils se sont aidés de quelques bâtons de dynamite pour faire sauter le mur arrière du bâtiment, créant ainsi un trou béant qui leur donnait directement accès à la salle du coffre. Entre-temps, les forces de l’ordre, alertées, arrivent sur place. L’échange des coups de feu est violent. Mais policiers et gendarmes sont obligés de reculer, parce que l’arsenal des malfrats leur permet une force de frappe démesurée, à laquelle n’étaient manifestement pas préparées les forces de l’ordre. Les populations environnantes sont terrées chez elles, remplies d’effroi. Ceux qui étaient dehors, en entendant les tirs de sommation, sont allés se cacher sans demander leur reste.

Les malfrats, leur forfait commis, se sont enfuis en se faufilant dans les ruelles environnantes, sont arrivés au niveau du bras mort du fleuve Wouri situé à quelques centaines de mètres. Ils ont sauté dans des embarcations qui les attendaient et ont gagné la mer, sans être inquiétés.

Au petit matin, le bilan est lourd: on dénombre cinq morts, un gendarme dont le pronostic vital est engagé, de nombreux blessés et des centaines de millions de nos chers francs CFA dans la nature. Et à la lumière crue du jour, les dégâts semblent encore plus importants. Les désagréments causés par ce coup se font ressentir jusque de l’autre côté du fleuve. En effet, les nuits de vendredi à samedi  sont celles pendant lesquelles l’axe bloqué par les bandits est massivement emprunté par les ressortissants de la région de l’Ouest se rendant dans leur village. La circulation étant fermée par la police depuis le pont sur le Wouri, des dizaines de cars et autocars se sont entassés à son entrée pendant des heures.

Les questions qui taraudent les uns et les autres sont les suivantes: comment est-ce qu’un gang de malfrats peut bloquer un axe de cet importance pendant deux heures de temps, mener son opération et s’en aller en toute tranquillité? Et d’où provenaient les armes lourdes dont ils disposaient? Cette attaque faisait curieusement penser à une autre qui a eu lieu à Limbé (une ville balnéaire située à 150 km de Douala) en septembre 2008. Cette fois-là, des bandits lourdement armés avaient bouclé tout un quartier pendant plusieurs heures, vidé méthodiquement  les coffres de plusieurs banques et  pris la mer sans être inquiétés. On avait à l’époque attribué ce forfait aux divers groupuscules de rebelles provenant du Nigéria voisin (notamment le  MEND et les Bakassi Freedom Fighters).

Certains ont donc émis ce week-end une responsabilité nigériane dans les évènements de vendredi dernier. Ceux-ci n’avaient pas tort. On a appris ce matin qu’en fait, l’un des assaillants a été appréhendé non loin du lieu du braquage. Et qu’avant de passer l’arme à gauche, il aurait dévoilé aux limiers de la police certaines informations qui ont permis à l’armée camerounaise d’intercepter ses complices à Bakassi. Les militaires ont tiré sans sommation, éliminant les 19 personnes qui se trouvaient dans l’embarcation. Selon les mêmes sources, le groupe s’était scindé en deux, le premier qui essayait de gagner le Nigeria et le second qui était resté à Douala. Les membres de ce dernier sont actuellement activement recherchés.

Certaines personnes à la critique facile ont fustigé les forces de l’ordre camerounaises, car selon elles, il était inadmissible qu’un évènement pareil puisse avoir lieu en pleine ville. Surtout à Douala. Peut-être. Mais mon avis sur la question est que ces cambrioleurs avaient deux atouts en leur faveur: l’avantage de la surprise et leur arsenal impressionnant. Et leur coup était minutieusement préparé. Car le choix d’une nuit de vendredi n’était pas fortuit: c’est la soirée de la semaine pendant laquelle cette route est le plus empruntée. Il savaient qu’en la bloquant, ils créeraient un embouteillage qui ralentirait les forces de l’ordre. Ces braqueurs avaient pu s’enfuir, mais le véritable défi pour moi était celui de les rattraper. Ce qui a en partie a été fait.

Malgré tout, l’inquiétude est de mise. Si ces gens se sont donnés la peine de fomenter un truc pareil, cela signifie qu’ils ont décelé une défaillance dans le système de sécurité de la banque tout d’abord, mais aussi au niveau des forces publiques. Cet acte est d’une telle gravité qu’il doit pousser les pouvoirs publics à renforcer la sécurité des hommes et des biens. Le braquage de vendredi est sans commune mesure et j’espère qu’il réveillera nos autorités qui mettront alors en oeuvre des moyens coercitifs  plus efficaces qui feront que la ville de Douala sera moins connue pour son insécurité notoire.

 

Par René Jackson

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Commentaires

An'ry
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Merci pour l'article Jackson, on y gagne en infos et en détails.

David Kpelly
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Ca fait peur, ton mec, Jackson! J'espère qu'ils ne sont pas à Yaoundé! Parce que devant des gens comme ça, c'est pas mes blagues à un sous qui vont me sauver! Tu vas assurer ma sécurité, toi et Florian, j'ai peur. Hi hi hi
Amitiés!

René Nkowa
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J'ai bien peur de te décevoir, mon cher David, mais je serai la premier à prendre la poudre d'escampette si un gus pareil se pointe. Donc arme tes jambes, au cas où...

David Kpelly
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Ah, mon ami n'est qu'un vieux flemmard! Jackson, toi tu peux pas t'occuper d'un p'tit gars comme ca pendant que moi je serai en train de fuir? Hi hi hi
Amitiés!